« Marek Hamsik signe à Göteborg » ! Beaucoup de ceux qui ont lu cette phrase ces dernières semaines ont dû s’en étonner et se demander comment la formation suédoise avait pu attirer un nom aussi ronflant que celui du Slovaque. Alors oui, il y a des doutes sur la forme du joueur. Oui, c’est un contrat courte durée. Mais, quand même ! On tient l’une des, voire LA plus incroyable recrue de l’histoire de l’Allsvenskan ! Et en plus, ce n’est pas que du vent. Cette acquisition s’inscrit dans une transition importante au sein de l’IFK Göteborg : après des années de morosité économique et une saison 2020 proche de la catastrophe en championnat, le club compte bien se mêler à nouveau à la lutte pour le podium. Assez patienté, l’heure est à l’ambition !
Pour bien comprendre le contexte à l’aube de cette nouvelle saison, il faut savoir ce que représente l’IFK Göteborg dans le paysage footballistique suédois. Nous parlons ici d’une équipe qui compte dix-huit titres de champion – soit le deuxième total le plus élevé derrière l’ogre Malmö (21) – et huit coupes de Suède. Il est également le seul club suédois titré au niveau continental, avec les éditions 1982 et 1987 de la Coupe de l’UEFA. Cela donne une idée de son envergure et de sa popularité au sein du royaume.
De la domination à la reconstruction
Oui, mais voilà : après l’hégémonie nationale des années 1982 à 1996 (10 titres de champions sur cette période ; lire notre série Göteborg ou le romantisme nordique), les deux décennies suivantes sont plus discrètes et bien plus instables. Un titre de champion, seulement, en 2007. Les Blåvitt (Bleu et Blanc) doivent se contenter des places d’honneur, voire des seconds rôles en championnat. Les victoires de 2008, 2013 et 2015 en Svenska Cupen offrent de beaux bols d’air et rappellent que l’Idrottsföreningen Kamraterna Göteborg (les Camarades de l’Association Sportive de Göteborg) est toujours un grand de Suède. Quatrième en 2016, en proie à de gros problèmes financiers, le club vit des saisons suivantes encore plus compliquées. Il termine depuis dixième, onzième et septième, puis frôle la catastrophe la saison dernière avec une 12e place (sur seize) et un maintien obtenu à la faveur de trois victoires sur les quatre dernières rencontres. Pourtant, lorsque l’ancien Strasbourgeois Alexander Farnerud inscrivait le but de la délivrance et d’un nouveau succès en coupe, lors des prolongations de la finale face à Malmö le 30 juillet 2020, les supporters voulaient croire au redressement de leur équipe, alors 11e après autant de journées. Que nenni.
Malgré tout, en interne, on voit le bout du tunnel. Mats Engström, entré au conseil d’administration en 2015 et président depuis 2018, a restauré et stabilisé les finances avec son directeur de club, Max Markusson. L’institution fait sa mue. Début septembre, le frère d’Alexander, Pontus Farnerud, devient seul directeur sportif, après la démission de son acolyte Kennet Andersson pour raisons familiales. Il souhaite refaire de l’IFK un candidat régulier à la course au podium ainsi qu’une référence en matière de formation et d’intégration des jeunes. Dans le même temps, l’entraîneur Poya Asbaghi est limogé et remplacé par Roland Nilsson, sélectionneur national des U21. Le 17 septembre, Göteborg entame… et termine son parcours européen avec une défaite en un match sec, covid oblige, face au voisin de Copenhague en qualifications d’Europa League. Trois jours et une défaite face à Kalmar plus tard, les Blåvitt se retrouvent quatorzièmes et barragistes d’Allsvenskan, leur plus mauvais classement de la saison.
Comme un symbole, le salut viendra notamment des enfants du club August Erlingmark (22 ans, milieu défensif) et Emil Holm (20 ans, arrière latéral vendu cet hiver à SonderjyskE), buteurs décisifs respectivement à une et deux reprises lors de matchs clé. Ouf ! Une fois la saison terminée, place à de nouveaux chambardements. En janvier dernier, Max Markusson est gentiment dirigé vers la sortie. Le média GT assure alors qu’il a « nettoyé le club, mis en place une structure, rationalisé le travail, pris des décisions difficiles mais nécessaires et jeté une base solide sur laquelle s’appuyer ». La raison évoquée de son départ est « un moment naturel pour changer de direction ». Mats Engström annonce quant à lui, qu’il ne se représentera pas aux élections de mars. « Cela a été une période vraiment compliquée et laborieuse. Avouait-il au Göteborgs-Posten. Maintenant, nous entrons dans une nouvelle phase, avec une économie renforcée, et il semble que ce soit le bon moment pour passer la main à d’autres, qui ont de meilleures conditions qu’auparavant. »
Le travail effectué a porté ses fruits et la pandémie a finalement eu moins d’impact qu’attendu sur les finances. En avril 2020, les supporters eux-mêmes ont contribué à limiter les dégâts en organisant une vente de billets fictifs pour un match amical à huis-clos qui avait finalement dû être annulé. Cette initiative a abouti à la vente de 52 445 « tickets » à 2,30 € chacun, soit plus de 120 000 € dans les caisses du club. Désormais, après des années de patience et de restructuration, l’IFK Göteborg accélère et retrouve son ambition. Richard Berkling, déjà au conseil d’administration, devient son neuvième président depuis 2000. Surtout, le poste de directeur du club est dévolu à l’icône locale, Håkan Mild, 49 ans. D’abord joueur emblématique cinq fois champion dans les années 1990, il était directeur sportif lors du titre de 2007 et retrouve donc ses anciens poulains Pontus Wernbloom (34 ans), Mattias Bjärsmyr (35 ans) et Jakob Johansson (30 ans), talents d’alors rentrés au bercail l’été dernier. L’attaquant de la sélection Marcus Berg (34 ans), lui aussi de l’épopée 2007, s’ajoutera à la photo de famille après l’Euro, tout comme le latéral de Mönchengladbach Oscar Wendt (35 ans), parti à Copenhague dès 2006 mais également formé à Göteborg.
Les papys font plus que de la résistance
Si certains peuvent croire à une pré-retraite entre amis, leur caractère, leur professionnalisme et l’amour que portent nos vikings vétérans à leur club ne laissent planer aucun doute quant à leur implication sur les pelouses ou en coulisses. Tous internationaux actuels ou passés avec des palmarès bien garnis, ils jouissent d’une aura et d’une expérience forcément bénéfique à la progression des jeunes pousses de Kamratgården. À condition de ne pas leur chiper trop de temps de jeu… Car avec ces recrues prestigieuses, le onze gothembourgeois pourrait, comme l’an passé, être l’un des plus âgés d’Allsvenskan. À ce sujet, Roland Nilsson se veut rassurant dans les colonnes de Sportbladet : « L’âge n’a pas d’importance. Si vous êtes jeune et bon, vous jouez. Si vous êtes plus vieux et bon, vous jouez aussi. » Pas de cadeau, donc, pour ses trentenaires ! « Comme tout le monde, ils devront se battre et faire valoir leurs qualités ». Sur le plan économique, ils ont tous signé libres et consenti à des sacrifices sur leurs revenus pour rentrer dans les clous. Selon Sportbladet, Marcus Berg passerait par exemple de 2 millions d’euros nets par an à Krasnodar qui lui proposait une prolongation, à 150 000 € nets annuels, hors bonus, auxquels s’ajouterait une prime à la signature de 200 000 €. Pas de folie et pas d’appel à un financement extérieur, assure-t-on du côté du directeur sportif.
Malgré de nombreux départs importants, les forces en présence sont donc alléchantes et forment un effectif des plus compétitifs du pays sur le papier. L’arrivée de Simon Thern (28 ans), en fin de contrat à Norrköping, ajoute de la créativité au milieu de terrain et plusieurs jeunes devraient encore faire parler d’eux : on peut citer Alhassan Yusuf, qui du haut de ses vingt printemps, est sans conteste l’un des plus grands talents de ce championnat. Milieu défensif ou relayeur omniprésent durant les quatre-vingt-dix minutes, exemplaire, il rappelle un certain N’Golo Kanté et ravira sans aucun doute une équipe d’un championnat du top 5 dans les années à venir. Au poste d’arrière latéral droit, également utilisé en piston gauche selon le système, on attend la confirmation de la bonne première saison d’Alexander Jallow (23 ans) dans l’élite. Arrivé de Jönköping (D2) l’an passé, il a su se rendre indispensable par sa solidité, la multiplication de ses efforts, sa propreté technique et sa capacité à combiner avec ses partenaires en phases offensives. Des performances qui nous avaient amenés à le placer dans notre XI type U23 de la saison 2020. Nous aurons un œil attentif sur Kevin Yakob (20 ans), milieu offensif arrivé de Häcken étincelant en présaison, ainsi que sur le tout « neuf » et prometteur attaquant Oscar Vilhelmsson, plus jeune buteur de l’histoire du club, qui n’a pas encore soufflé ses 18 bougies mais vient de signer son premier contrat professionnel, portant à 14 le nombre de joueurs du groupe pro passés par l’académie.
La bombe Hamsik
Et puis il y a Marek Hamsik, donc. La surprise du chef, débarquée à l’aéroport devant des dizaines de fans en transe ! Revenu de Chine, désireux de trouver du temps de jeu afin d’arriver en forme à l’Euro, le Slovaque, dont les qualités n’échappent à personne, s’est trouvé en contacts avancés avec deux clubs : celui de son cœur, le Slovan Bratislava, et l’IFK Göteborg qui a sans doute profité de la clôture des marchés de transferts dans la plupart des autres pays européens pour tenter sa chance. Du côté du Slovan, la direction se serait montrée trop gourmande concernant la durée du contrat. Une aubaine pour les Suédois, moins exigeants. « Il s’agit d’un contrat à court terme (jusqu’au 30 août 2021), mais nous, en tant qu’association, voyons une perspective à long terme dans le développement et l’amélioration de l’IFK Göteborg avec Marek Hamsik » expliquait Pontus Farnerud lors de la présentation officielle du joueur. D’autres écuries du royaume attentives à la situation du joueur auraient elles aussi été refroidies par cette condition.
Pourtant, les premières retombées économiques de l’opération sont sans équivoque. Hamsik, 33 ans, aurait accepté un salaire d’environ 10 000 € par mois seulement, dans la moyenne en Allsvenskan. Or, d’après les médias locaux, le club aurait vendu pour plus de 100 000 € d’abonnements dès les premières rumeurs sur son arrivée. Expressen nous apprend que quelques heures après sa présentation, 1 400 produits dérivés de la « collection Hamsik » étaient déjà vendus. Son absence durant l’Euro sera quant à elle indemnisée par l’UEFA, comme pour tous les clubs concernés par ces départs. Sportbladet explique en effet que Göteborg touchera environ 4 800 € par jour passé par le Slovaque dans la compétition, matchs de préparation inclus. Ce montant varie selon un classement par catégorie des clubs concernés. Ainsi, même si la Slovaquie ne sortait pas de la phase de poules dans laquelle elle retrouvera… la Suède, l’IFK toucherait l’équivalent de 25 jours d’indemnités, soit 120 000 €. Une partie de cette somme devrait cependant être reversée au Dalian Pro, précédent club d’Hamsik.
Bien sûr, ces chiffres peuvent nous paraître dérisoires dans le football actuel. Mais les Blåvitt reviennent de loin et l’économie du football suédois est bien différente de celle des grands championnats européens. Alors, même si ce n’est pas la raison principale de son arrivée, cela compte, tout comme le coup de projecteur médiatique international engendré par cette signature. En ce sens, on peut déjà saluer la manoeuvre de Pontus Farnerud et de sa direction. Reste désormais à attendre le coup d’envoi de la saison pour voir si la mayonnaise prend sportivement. Tous les fans l’espèrent, car l’élimination en phase de poules de la coupe* ainsi que l’alternance du bon et de l’inquiétant en matchs amicaux nous rappellent que le chemin est encore long pour retrouver les sommets du championnat. Absente pour une gêne au mollet lors de la présaison, la nouvelle star de l’Allsvenskan devrait faire ses débuts sous le maillot gothembourgeois le 10 avril, pour la première journée, face à Örebro. On a hâte !
*la Svenska Cupen comprend une phase de groupes à 4 équipes dont seule la première est qualifiée pour les 1/4 de finale. Celle-ci se joue avant le début du championnat. Göteborg a terminé 2e de son groupe avec une victoire (4-3 contre Sandviken, 3e division) et deux nuls.