Quand le coup de sifflet de l’arbitre retentit au terme de quatre vingt dix minutes d’un match pas comme les autres, les joueurs et leurs supporters fêtent ensemble une nouvelle victoire synonyme de promotion en Kakkonen (D3 finlandaise). Pourtant, ce qui ressemble à une simple montée d’un club amateur dans la division supérieure, est bien plus que cela. Après la gloire, l’équipe de la troisième plus grande ville du pays s’est effondrée, disparu des radars à cause de problèmes financiers. Aujourd’hui, ce club doit tout à ses fans, eux qui voulaient continuer à voir leur équipe tous les week-end sur les terrains de football.
Tampere United, précocité et ses années glorieuses
Fondé en 1998, Tampere United doit voir le jour avec la collaboration des deux clubs locaux, le TPV (Tampereen Pallo-Veikkojen) et le FC Ilves. Cependant, au bout d’un an de projet, le TPV se retire ayant la volonté de continuer avec sa propre équipe. Ilves, qui est à l’heure un club populaire de Finlande pour son lynx et surtout car il évolue en Veikkausliiga (première division) fait de même. En 1999, les bleus et verts disputent leur premier match officiel au sein de la deuxième division finlandaise, la Ykkönen, dans la section nord. Dès leur première saison, le célèbre entraîneur Harri Kampman et ses hommes conquièrent le championnat, ils doivent néanmoins passer les barrages pour monter dans l’élite. En s’imposant contre l’Atlantis FC, club d’Helsinki, Tampere grimpe en première division, symbolisant la montée en puissance express au niveau local du club.
Au début des années 2000, cette progression rapide dans le football finlandais se confirme. Sixième dès sa première saison en Veikkausliiga, c’est lors de sa deuxième saison que Tampere United remporte la plus prestigieuse des compétitions du pays, soit la première division. Une précocité inattendue, mettant fin aux trois titres consécutifs remportés par le FC Haka auparavant. Si ce titre met en valeur le club, et fait rayonner la ville partout dans le pays, rien n’est dit que cette équipe va s’inscrire dans la durée. Pour sa première apparition dans une coupe européenne, les finlandais se font balader contre le club arménien du FC Pyunik, s’inclinant au terme des deux confrontations 6-0 (0-4, 0-2). Les quatre saisons qui suivent sont quelques peu timides en championnat, marquant dans le même temps le retour de l’HJK Helsinki. Néanmoins, la Coupe Intertoto, permet à l’équipe de jouer contre des prestigieuses équipes européennes, dont la Lazio. A cette occasion, Tampere United déménage au Stade Ratina, l’une des enceintes les plus grandes du pays. Contre les Italiens, Tampere et la Lazio joue devant plus de 10 000 personnes, un record pour le club.
Les deux saisons que nous allons évoquer sont sans doute celles où les bleus et verts sont à leur apogée. Ce sont les années Henri Myntti, défenseur central brillant, sans doute l’un des plus grand passé en Veikkausliiga. Il a lors de son passage à Tampere été élu meilleur buteur du championnat avec 13 réalisations, plutôt étonnant pour un défenseur qui à ce jour est toujours détenteur du record de but inscrit sur une saison par un défenseur dans l’élite du football finlandais. Pour en revenir à Tampere United, il triomphe durant deux ans d’affilés en championnat, devant l’HJK en 2006 et 2007. Cette même saison, le club remporte pour la première fois la Suomen Cup, la coupe nationale. Sans oublier leur parcours européen, en passant le premier puis le deuxième tour préliminaire de Champion League plutôt aisément. Malheureusement, le parcours s’arrêtera face au champion Norvégien, Rosenborg, en perdant à deux reprises, dont à domicile, où pour la première fois un match se tenait à guichet fermé au Stade Ratina, avec près de 17 000 spectateurs ! Relégué en barrage d’Europa League, Tampere United à l’occasion de participer au poule d’une compétition européene. Mais la tâche s’annonce complexe suite à un tirage au sort difficile. En effet, il faudra battre les Girondins de Bordeaux. En Finlande, un match spectaculaire se prépare. Au terme de la rencontre aller, les français prennent l’avantage en gagnant 3-2. Le match retour en Gironde reflétera la domination bordelaise, malgré un bon match nul un partout.
Un déclin brutal
Deux ans de sacre, sans doute les plus belles années de cette équipe, en tout cas les années les plus victorieuses. Pourtant, autant sur le plan sportif qu’économique, les incertitudes sont de plus en plus importantes, et inquiétantes. Les trois saisons qui suivent vont laisser planer le doute, puis les soupçons. L’année suivante son beau parcours en Coupe Européenne, Tampere United remporte l’Uusi Lahti Cup, une coupe regroupant des clubs du pays en hiver, avant le retour du championnat. Ce qui laisse envisager que l’aventure entamée par cette formation devrait continuer, aussi bien sur le plan national que continental. Mais un semestre plus tard, le constat est là, une septième place en Veikkausliiga, une période de qualification européenne mauvaise dû à plusieurs facteurs qui ont été néfastes dans la route au troisième titre consécutif. Suite aux mauvais résultats, les finances sont à leur tour en baisse, et rapidement c’est tout un ensemble qui va mal.
Une nouvelle saison arrive, où un projet se forme pour relancer le club. Tout d’abord, en vendant leurs meilleurs éléments pour dégager des fonds et maintenir leur budget. Mais aussi, pour consolider ceux qu’ils acclament dans le haut niveau, les supporters mettent en place une association pour les soutenir et contribuer économiquement à l’équipe, une marque aussi de confiance de la part de leurs fans.
«Nous avons les meilleurs fans de la ville. Si vous avez deux d’entre eux dans les tribunes, vous êtes sûr qu’ils vont commencer à chanter. » déclare l’entraîneur, Mika Suonsyrja (entraîneur actuel)
De plus, l’équipe va s’engager comme de nombreuses équipes dans la « Tamu Academy » assisté par la fédération finlandaise, qui a pour objectif d’améliorer le développement des jeunes dans l’agglomération. Remportant la Liiga Cup pour la première fois, Tampere ne va pas réussir à se relancer, et va même s’enfoncer.
Au printemps 2011, une affaire éclate et va faire le tour des médias. Tampere United est soupçonné de fraude et de blanchiment d’argent en lien avec un célèbre singapourien Wilson Raj Perumaj, arrêté cette même année et accusé coupable. Il est condamné d’ailleurs deux ans par les autorités finlandaises, mais est remis à la moitié de cette condamnation à la police hongroise pour des affaires similaires. Suite aux circonstances, le comité de discipline de l’association de football finlandais exclut à l’unanimité l’équipe aux compétitions, aussi bien en championnat qu’en coupe. C’est alors la faillite en juin. Néanmoins, le président Jyrki Laiho et l’association du club continuent leurs activités mais n’auront pas la permission d’être présents dans l’édition 2012 de la Veikkausliiga. C’est alors que les supporters vont se réunir.
Ils en aboutissent que le club doit continuer à vivre, c’est ainsi que ce groupe reprend la formation sous une nouvelle abréviation, Tamu-K, le «K» a été rajouté aux anciens initiaux pour kannattaja désignant « supporter ». Certes le club revit, mais cet incontournable dans le pays des mille lacs, appartenant maintenant aux partisans doit repartir de sixième division, correspondant à la Kutonen (7ème championnat sur 8 composant l’hiérarchie du football en Finlande)1 regroupant plus de 200 clubs amateurs du pays. Il est loin le temps des sacres, des trophées… Surtout que cela profite à la gloire d’un autre club dans la même ville, le certain club d’Ilves. Les membres se sont engagés à faire revenir leur équipe vers le haut, et même si cela paraît très compliqué, eux même sont surpris de voir à la vitesse dont ils ont gravi les échelons. En trois saisons, ils ont grimpé de trois divisions, soit promus à chaque fin d’année !
Bien plus qu’un club, une communauté s’est créé
L’année dernière, au sein de la Vitonen (D5), ils avaient remporté 20 matchs, perdu une seul fois et avaient fait également un match nul, ce qui leurs ont permis de monter dans une division supérieure. L’hiver suivant, à seulement deux semaines du premier match d’ouverture en quatrième division, un problème se présentait. Ils manquaient un grand nombre de joueurs, alors ils ont dû mettre leurs crampons en appelant des amis. Toute personne ayant un maillot bleu pouvait jouer, c’est ainsi que l’équipe s’est formé !
Aujourd’hui, pour leur premier match à domicile, après une victoire à la précédente rencontre, les supportes dans les gradins sont déjà survoltés, chantant : « Avec Tamu, nous allons aller en troisième division, » en ajoutant, «Il n’y a rien que l’Association de football peut faire! » réagissant à toutes les galères qu’ils ont vécu ces cinq dernières années. Une ambiance toujours au rendez-vous, peut être aussi la clé du succès de cette formation, alors que souvent les spectateurs en Finlande sont décrits de « trop gentils » voir presque inexistants dans ce sport.
A Tampere, plus grande ville de la province finlandaise, son horizon est reconnaissable, comblé par les cheminées des usines de papiers abandonnées et plus loin, l’on distingue les lacs et les denses forêts de sapins entourant la ville. Un vendredi soir, les partisans sont là, bravent le froid et la nuit avec d’autres groupes dans une soirée un peu spéciale, la nuit de soutien. Le club devait amasser des fonds, particulièrement en vendant plus de 200 billets au prochain match, pour leurs permettre d’organiser les rendez vous de la saison.
Après une saison pleine de réussite, Tampere United est à un point d’une nouvelle promotion. Ils sont nombreux à être venus autour de la pelouse dans une tribune ou sur la piste d’athlétisme. Tous ont les yeux rivés sur le ballon ou bien acclamant leurs équipes. Étant mené une bonne partie du match, Ali Koljonen voit sa frappe sur la barre terminé sa route dans les filets, comme un signe pour cette équipe si charmante. Au final, Tamu-K fait match nul avec un score de deux partout. A ce moment là tout le monde se réunit, se sert dans ses bras. Le président et le vice-président sont là auprès des joueurs et des supporters rigolant et chantant. La soirée se finira dans un bar de la ville, où joueurs et fans ont l’habitude d’échanger ensemble autour d’un verre. On vous laisse imaginer l’ambiance et la suite de l’histoire. L’an prochain nous les verrons évoluer en Kakkonen et pourquoi pas, continuer de briller encore plus haut.
1 En Finlande, le système des divisions est décompter comme en France (D1, D2…), hormis que la Veikkausliiga correspondant meilleur championnat n’est pas insérer. Donc la Ykkönen, deuxième niveau du championnat (similaire à la Ligue 2 en France) est la première division, d’où un décalage. Voici le nom des championnats dans l’ordre en partant du meilleur d’entre eux: Veikkausliiga, Ykkönen (D1), Kakkonen (D2), Kolmonen (D3), Nelonen (D4), Vitonen (D5), Kutonen (D6) et Seiska (D7).
Image à la Une: ©Sarita Piipponen
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