Moins impressionnant que Peter Schmeichel et sa carrure de colosse, moins connu que certains de ses coéquipiers de l’époque comme Larsson ou Brolin, ce gardien à la calvitie précoce et aux maillots flottants aura pourtant été contemporain des dernières grandes heures de l’IFK Göteborg tout comme de la sélection suédoise. Petit retour sur la carrière de Thomas Ravelli.
Des débuts rapides et réussis
Né en 1959 à Vimmerby dans le comté de Kalmar au sud-est de la Suède, Thomas, ainsi que son frère jumeau Andreas, fait ses classes footballistiques dans le club de la ville de Växjö, le Östers IF. Le jeune Thomas gravit les échelons et lors de la saison 1978-79, un an après son frère, il intègre à 20 ans l’équipe première du club alors en 1 ère division suédoise et championne en 1978. En 1980, pour sa 2e saison au plus haut niveau, il dispute tous les matchs de son équipe et celle-ci remporte de nouveau le championnat national. L’équipe et les deux frères Ravelli réussissent même le doublé en enlevant de nouveau l’Allsvenskan durant la saison 1981.
Il faut noter que le club n’est alors que semi-professionnel et que Thomas comme ses coéquipiers travaillent en parallèle au football, il sera notamment un temps vendeur de pièces détachées pour rotatives d’imprimerie. Doté d’un fort caractère, Thomas n’hésite jamais à replacer vertement ses coéquipiers voir à pousser un bon coup de gueule, ce qui lui vaudra parfois des difficultés avec certains de ses partenaires !
Ces bonnes performances permettent au jeune gardien de découvrir lors de l’édition 1981- 82 ce qui était encore la coupe d’Europe des clubs champions. Des débuts difficiles, l’Östers IF ayant hérité au tirage au sort du Bayern Munich dès le 1er tour et s’inclinant 6-0 sur l’ensemble des 2 matchs avec notamment un sévère 5-0 encaissé en Bavière. Match qui, selon la légende, mit fin à un début d’intérêt du club allemand pour le gardien suédois ! L’équipe nationale ne resta pas longtemps indifférente aux performances de Thomas et le fit débuter en 1981, quelques semaines après son frère Andreas, lors d’un match contre la Finlande. Équipe qu’il ne quittera plus pendant plus de 15 ans et 143 sélections.
Thomas retrouve l’ancêtre de la Champions League lors de la saison 1982-83 mais sans plus de réussite, l’Östers IF s’inclinant de nouveau au 1er tour, cette fois-ci contre le club grec de l’Olympiakos, malgré une victoire 1-0 en Suède. Les saisons suivantes seront plus difficiles, les poids lourds de l’IFK Göteborg et de Malmö reprenant la main sur le championnat. Et malgré une « finale de championnat » en 1983, l’Östers IF ne retrouvera plus les sommets et sera même relégué en Superettan en 1988.
Les années 90 et la confirmation d’un talent
Lorsque son club formateur se trouve relégué en 2nde division Thomas rejoint l’IFK Göteborg encore auréolé de sa victoire en coupe d’Europe de l’UEFA en 1987. Si les débuts ne sont pas forcément aisés Ravelli et l’IFK parviennent à remporter le championnat en 1990, ouvrant ainsi une nouvelle ère de domination, la dernière en date, du club ciel et blanc sur la scène nationale. En effet, entre 1990 et 1996 ce ne sont pas moins de 6 trophées de champions qui viennent garnir le palmarès du gardien suédois.
Ces succès permettent à Thomas de retrouver la lumière des soirées européennes et, médiatisation oblige, au grand public de découvrir ce gardien atypique, grande gueule et extraverti, n’hésitant jamais à faire le show devant les caméras. Gageons que cette personnalité assez éloignée des stéréotypes du footballeur suédois contribua à son succès auprès des spectateurs et des passionnés de football de l’époque.
Malheureusement pour lui, une des premières images que les spectateurs occidentaux retiendront de lui fut celle d’un gardien ayant encaissé 4 buts d’un même attaquant au cours d’un match ! En effet, lors de la 1 ère édition de la ligue des champions en 1992-93, l’IFK Göteborg passe les 2 premiers tours et se qualifie donc pour la phase de poules, héritant comme adversaire de l’AC Milan, du PSV Eindhoven et du FC Porto.
Si le club suédois effectue un parcours très honorable en finissant second de sa poule derrière le grand Milan un match de cette phase marquera les esprits. Lors de leur déplacement à San Siro les suédois voient en effet Marco Van Basten leur inscrire 4 buts dont un superbe retourné (sur lequel Ravelli n’est pas irréprochable). « Il m’avait même planté en plus un but refusé ! C’était un tueur. » dira plus tard le gardien dans son interview pour So Foot.
Mais le parcours européen de Ravelli et de l’IFK fut également marqué par des exploits. Lors de l’édition 1994-95, dans une formule différente, le club suédois atteint de nouveau la phase de poules et se voit de nouveau peu épargné par le tirage au sort son groupe étant composé du FC Barcelone, de Manchester United et de Galatasaray. Mais emmené par un solide Ravelli Göteborg va réaliser l’exploit de terminer 1 er de sa poule, devant le Barça et éliminant au passage le Manchester de Ferguson et Cantona. L’IFK verra son parcours stoppé en ¼ de finale par le Bayern Munich au bénéfice des buts marqués à l’extérieur.
Parallèlement Thomas s’impose comme un des piliers de la sélection. Malheureusement l’équipe nationale vit une période creuse et doit attendre le championnat d’Europe 1992, que la Suède organise, pour briller lors de la phase finale d’un grand championnat. Mené par une génération montante comprenant notamment Tomas Brolin, Martin Dahlin ou Kennet Andersson, la suède de Ravelli réalise un beau parcours. Elle termine 1ère d’un groupe comprenant la France, l’Angleterre et le Danemark en battant notamment les anglais 2-1.
Qualifiés pour les ½ finales les suédois s’inclinent 3-2 dans un match spectaculaire face aux Allemands dans lequel Ravelli ne peut rien sur un superbe coup-franc de Thomas Hassler et un doublé de Karl-Heinz Riedle. Les suédois voient ensuite leurs voisins danois remporter le 1er (et seul) trophée majeur d’une nation scandinave.
Le sommet, la World Cup 1994
Mais le sommet de sa carrière Thomas Ravelli va le connaître lors de la coupe du monde 1994 organisée aux Etats-Unis. Qualifiée après avoir fini 1ère du fameux groupe comprenant la France, la Bulgarie mais aussi la Finlande voisine, la Suède se retrouve confrontée au 1er tour au Brésil, à la Russie et au Cameroun de Roger Milla.
La Suède et Ravelli ont du mal à se mettre dans le bain (peut-être un effet de la chaleur étouffante de l’été américain) et concède lors de leur 1 er match le nul 2-2 contre le Cameroun, Embé et Omam-Biyik profitant de 2 sorties approximatives du gardien de Göteborg. Les scandinaves se reprennent dès le match suivant en disposant plutôt aisément de la Russie sur le score de 3 buts à 1.
Arrive alors la « finale du groupe » contre le grand Brésil, match qui lancera vraiment l’épopée suédoise. Contre les futurs champions du monde les suédois font mieux que résister et ouvre le score sur un superbe but de Kennet Andersson. Romario égalisera pour le Brésil mais Ravelli et les suédois parviennent ensuite à préserver le match nul.
En 8e de finale la Suède se voit opposée à une des surprises du 1er tour, l’Arabie Saoudite. Comme contre la Russie les scandinaves s’imposeront assez aisément sur le score de 3 buts à 1. Arrivent alors les 1/4 de finale contre l’équipe de Roumanie de G. Hagi, qui impressionne depuis sa victoire contre la Colombie et qui vient d’éliminer l’Argentine en 8e. Le match est serré et les 2 équipes se rendent coup pour coup pour finir les prolongations sur un score de 2-2.
Les tirs aux buts désigneront donc le vainqueur et c’est le moment choisi par Ravelli pour sortir sa cape de héros. Alors que la Suède est menée suite à l’échec de son 1er tireur Thomas remet d’abord les 2 équipes à égalité en stoppant le tir de Petrescu. Les tireurs suivants marquent, on entame donc la « mort subite ». Après le tir réussi de Larsson, Ravelli stoppe d’une belle détente sur sa gauche le pénalty de Belodedici et envoie la Suède en 1/2 finale de la coupe du monde.
La Suède y retrouve le Brésil de Romario et Bebeto et ce match restera peut-être comme le plus emblématique de la carrière de Ravelli. En effet même si la Suède et son gardien doivent au final s’incliner sur une tête de Romario Ravelli multiplie les parades, notamment sur une lourde frappe de Branco. Une action résume particulièrement bien ce gardien singulier : après un nouvel arrêt sur une frappe de Romario, le voilà qui exécute quelques
pas de danse devant la caméra avant de se retourner pour apostropher le marquage de ses défenseurs ! Une action qui à l’époque a fait le tour du monde entier et a contribué à largement faire connaître le suédois.
« …tu ne peux faire le spectacle que si tu as une totale confiance pendant un match. Là, en demi-finales, avec l’équipe qu’on avait et dans la forme dans laquelle j’étais, je pouvais me le permettre ! »
La Suède finira à la 3e place après une large victoire contre la Bulgarie de Stoichov qui permet à Ravelli de finir sa coupe du monde sur un clean sheet. L’année 1994 verra Thomas Ravelli finir 2nd au palmarès du meilleur gardien de l’année et même 7 e et 1 er gardien au classement du Ballon d’Or France Football.
Fin de carrière et reconversion
La fin des années 1990 voit Ravelli continuer sa carrière avec l’IFK Göteborg et glaner encore 2 titres de champion en 1995 et 1996 ainsi que 2 trophées du meilleur gardien suédois de l’année (en 95 et 97). En 1997 il joue son dernier match avec la sélection suédoise après 143 sélections, ce qui fit un temps de lui le joueur suédois le plus capé de l’histoire (record détenu maintenant par Anders Svensson avec 148 sélections).
En 1998, à 39 ans, il décide de rejoindre les terres de ses exploits mondiaux et s’engage en MLS avec l’équipe du Tampa Bay Mutiny. En 1999 il revient, comme beaucoup de joueurs suédois, finir sa carrière avec son club des débuts, l’Östers IF, et dépose les gants après presque 600 matchs professionnels. Ravelli participa ensuite à plusieurs matchs de charité, notamment avec l’équipe amateur du Garda BK qui comptait alors ans ses rangs plusieurs anciennes gloires du football suédois tels Kennet Andersson et Johnny Ekstrom.
Un temps entraineur pour des clubs amateurs Thomas Ravelli s’est aujourd’hui reconverti dans le coaching d’entreprises et a créé une marque de vêtements de sport avec son frère jumeau Andreas sobrement nommée « Ravelli ». Il suit toujours de près le football et n’hésite pas à donner son avis, notamment sur les performances de la sélection.
Joueur au physique et à la personnalité atypique, excentrique et fort en gueule, Thomas Ravelli détonne un peu dans la liste des gardiens suédois. Gardien au style classique, doté de très bons réflexes et d’une excellente lecture du jeu, sa personnalité et son palmarès lui confèrent assurément une place particulière dans le cœur des supporters suédois.
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