Mondial mexicain Juin 1986 :
« On ne peut devenir champion du monde en se cachant. À un moment, si on affiche cette ambition, on se doit de jouer face aux meilleurs formations. Alors autant que ce soit le plus rapidement possible. »
Le duel de Queretaro : Danemark –RFA
Voilà ce que répondit Piontek, sélectionneur allemand de l’équipe Danoise (depuis 1979) à la veille d’affronter la Mannschaft dans l’ultime match du groupe 5, face à la peur populaire de voir un RFA – Autriche 1982 bis (semblant de match dont l’issue qualifia ces 2 nations au dépend de l’Algérie). En effet, le vainqueur de ce Danemark RFA se verrait le droit d’affronter l’Espagne, le perdant, quant à lui, la surprise marocaine (qui 2 jours plus tôt, termina 1er d’un groupe comprenant la Pologne, l’Angleterre et le Portugal, excusez du peu). Face à cette angoisse, cette déclaration fit mouche dans l’esprit de beaucoup de personnes, dont le mien. Et ce souvenir de cette confrontation de haute volée entre deux prétendants à la couronne mondiale allait donner tort à tous les sceptiques de la planète football et me marquer pendant un bon moment. Prétendant ? Oui vous avez bien lu. Car, bien que donner à la RFA cette ambition puisse vous paraître normal, il ne serait pas étonnant de voir certains esprits s’interroger à y placer à ses côtés ce Danemark version 86. Et l’histoire donnera même raison à ceux qui me prennent pour un illuminé. La RFA ira jusqu’en finale de cette édition mexicaine, contrairement à ces scandinaves qui ne remportèrent aucun trophée mais pour qui je voué un culte.
De nos jours, quand on parle de la sélection Danoise qui, soyons honnête, ne représente pas une nation majeure du football, la première chose qui vient en tête pour beaucoup de monde, ce n’est en aucun cas cette équipe de 86 mais plutôt celle de ce fameux titre européen de 1992 remporté en Suède. Il est évident et personne ne peut le nier, que ce fut une magnifique page, belle et improbable écrite dans le livre d’or de l’histoire du football. Même si rien ne peut battre la Grèce 2004 en terme d’improbabilité. Ce titre de 92 est grandiose, remplit d’émotion. Le scénario parfait pour un golden globe. « 20 touristes », handicapés par l’absence de leur meilleur joueur suite à un différend avec le sélectionneur et remplaçant cette magnifique Yougoslavie promise à un immense destin dans la route des 90’s. Un groupe qui en plus, non satisfaits de ce cadeau de dernière minute, rafleraient la mise à tous les favoris gonflés à bloc depuis des mois, prêts à s’expliquer, à l’image des cadors du tour de France avant l’amorce du premier virage de l’Alpe d’Huez. Peut-on rêver de meilleur scénario ? Donc oui, cette histoire est belle et oui, cette victoire serait la vitrine du football danois. Mais malgré tout, le seul Danemark qui fit trembler la planète football par son jeu, son casting, celui qui fut précurseur de l’ambition en cette contrée, celui qui fit mettre à sa population sa plus belle tenue de soirée pour le ballon rond et avec qui je vais vous saouler, c’est celui des 80’s.
La découverte
Danemark-France 1983 : Laudrup face à Bats
Mon premier souvenir du Danemark ? Septembre 1983. Mon père m’autorisa à regarder notre sélection nationale qui, dans le cadre de la préparation de son championnat d’Europe, affrontait les scandinaves. Ce qu’il me reste du match ? Seulement quelques images en tête, et elles sont précieuses ces images. Car le fait marquant de la soirée, c’est cette panne de faisceau du diffuseur qui nous priva de la moitié de l’événement. Et quand l’image est réapparue, on eut droit à une petite démonstration. Mais pas du côté attendu. « Papa, tu m’avais dit qu’à part le petit bouclé là, qui a joué à Moenchengla… euh Moenchen… et le Barça aussi, qu’ils étaient nuls ces danois ? Ils ont l’air de bien jouer et très bien même, on se régale ». Il me rétorqua « mouais… les bleus sont comme la télé, en panne. » La bande à Hidalgo, totalement dépassée perdait ce match 1-3 face à ces vikings qui m’avaient interpellés. Quelques jours plus tard, on apprenait que cette équipe avait donné une leçon de football aux anglais, en l’emportant 0-1 à Wembley, dans un match qui fut suivi par 80 % de la population danoise. Et ainsi, en terminant devant ces derniers, les grecs et les hongrois, on aurait le plaisir de revoir cette nation en France en juin prochain pour le championnat d’Europe.
Un quatuor d’or : Arnesen, Lerby, Simonsen, Larsen
On commença alors à entendre ici et là par les voix de « spécialistes », experts de ce sport, que cette compétition aurait un niveau moindre en raison de l’absence de favoris comme l’Italie, l’Angleterre, l’URSS, la Pologne, l’Autriche,… Et pourtant, la plupart de ces « inconnus » qui composent cette équipe du Danemark évoluent pratiquement tous à l’étranger (fait rare à l’époque). Et pas n’importe où, à faire n’importe quoi. Un groupe dont la base sent bon l’alliage belgo-néerlandais. Ces doux championnats qui, à l’époque, étaient constitués d’équipes qui prenaient plaisir, en parcourant l’Europe jusqu’au printemps, à taper leurs homologues du continent. Constituant ainsi, une liste des plaignants assez conséquente à chaque fin de saison. Et il aurait simplement suffi de relever le nombre de danois impliqués pour que l’on mette en doute les prédictions. Avec pour preuve, le casting suivant : Jesper Olsen et Jan Molby à l’Ajax, Nielsen au Feyenoord. On ajoute Jesper Olsen, Arnesen et Brylle à Anderlecht. Elkjaer Larsen à Lokeren et Busk à La Gantoise. Ailleurs ? Lerby longtemps pensionnaire de l’Ajax, joue au Bayern. Lauridsen à l’Espanol, Berggreen à Pise et le déjà très convoité Michael Laudrup, prêté par la Juve, fait les beaux jours de la Lazio. Avec ça, on oublierait presque la présence de l’ex-ballon d’or Simonsen, qui entama une fin de carrière tranquille et bien méritée chez le champion 1984, le Vejle BK (club qui à l’euro sera aussi représenté par Thychosen et Sivebaek). Un potentiel énorme, avec une bonne partie des joueurs issus d’un pays dont le championnat est passé professionnel depuis seulement 5 ans, qui allait bercer ma découverte du ballon rond durant les années suivantes (et pour moi, la plus grosse équipe scandinave que j’ai connue jusqu’à présent). La mondialisation avant l’heure. La « Danish dynamite », comme on se plairait à les surnommer plus tard, avait en stock de quoi tout faire exploser en France en Juin.
Changement de décor
Et pourtant lorsque Piontek prit en main la sélection en 1979, tout ne fut pas gagné. À l’aube de sa nomination, le dossier des références footballistiques danois n’est pas bien épais. Les clubs du pays ne sont pas des références, le championnat vient de passer professionnel. Le bilan en coupe d’Europe est semblable à l’état d’une garnison romaine après le passage de gaulois gavés de potion magique. Coté sélection, une apparition à la phase finale de l’Euro 1964 , et 2 médailles aux JO : le bronze en 1948 et l’argent en 1960. Autant dire, pas de quoi confondre le pichet avec la baignoire. Pourtant il y a quand mêmes des satisfactions mais elles sont plutôt à titre individuel. Et à la fin des années 70, celles qui viennent à l’esprit dans l’actualité sont, le défenseur Johnny Hansen triple champion d’Europe avec le Bayern, et bien sûr, le ballon d’or 1977 Allan Simonsen.
En 1979, le coach et ancien défenseur du Werder, est recommandé par le président de la fédération de la RFA, Hermann Neuberger à une fédération danoise qui cherchait un entraîneur allemand pour tenter de donner à sa sélection un peu plus de professionnalisme sur le terrain que dans les bars de Copenhague. L’histoire la plus célèbre reflétant cet état d’esprit restera sans doute celle de Elkjaer Larssen en contrat à Cologne et son entraîneur Weisweiler. En effet ce dernier lui reprocha d’avoir été vu dans une boîte de nuit avec une bouteille de whisky et un membre du sexe opposé, Elkjær ne trouve pas mieux que de confirmer à son entraîneur qu’il s’agissait bien de lui. Mais qu’en fait, c’était une bouteille de vodka et … deux femmes.
Dès sa prise de pouvoir, Piontek veut faire de ces garçons, si talentueux individuellement, une équipe. De suite, nettoyage de printemps dans la maison par des mesures drastiques. Entre les couvre-feux non respectés, les attentes du staff la nuit dans les halls d’hôtels en ne voyant personne revenir, les cassettes de visionnages des adversaires mises au point par Piontek remplacées durant la nuit par des films pour adultes,… Ainsi, une boite à amende fut mise en place. Exemple : 5 minutes de retard = 200 couronnes danoises dans la cagnotte. Celle-ci servait au final, à payer les anniversaires, naissances ou autre événements autour de l’équipe. Aussi, Piontek a déménagé le camp d’entraînement au siège de la Confédération danoise du Sport, au Idraettens Hus. Des barbelés, pas de télévision ni de téléphone dans les chambres et des réunions tactiques avant les matchs pouvant atteindre 3 heures. En somme, nous étions partis pour une version en short-crampons du film Maître de guerre de Clint Eastwood.
Et même si Piontek était un stratège strict, un allemand avec toute la rigueur qui va avec, il eut l’intelligence de prendre en compte une chose. Que ses joueurs étaient des danois. « Il est venu avec beaucoup de discipline mais connaissaient notre mentalité, nous avions besoin de nous responsabiliser. Et il a su trouver cet équilibre entre discipline et liberté », a déclaré Morten Olsen. « Nous ne pouvions pas jouer comme une équipe allemande, nous devions jouer en tant que Danois, il le savait et ça, c’était très intelligent. » Ce fameux mélange symbolisé par une phrase du Bison (surnom d’Elkjaer Larssen) : « À vouloir être trop sérieux, on finit par s’ennuyer. À vouloir penser qu’au foot, on finit par être stressé, autant être décontracté et avoir confiance en soi. » La mayonnaise petit à petit va prendre, la discipline naissante, avec des intentions de jeu portées vers l’avant va donner à ce groupe un doux mélange qui lui donnera autant de sympathie hors du terrain que de crainte sur celui-ci. Pour mener cette troupe, Piontek choisit pour capitaine, au détriment d’un Simonsen au caractère jugé trop effacé, Morten Olsen. Une gueule, un charisme, un libéro élégant au jeu simple, efficace, ne se gênant pas pour monter et se donner pour le collectif. Résultat cette nouvelle organisation : en 1981, deux ans après sa mise en place, la fameuse « cagnotte » se retrouve vide. Et pour fêter ça, un doux premier coup de semonce retentit avec une victoire 3-1 face à l’Italie, à Copenhague en éliminatoires de la Coupe du monde. Mais deux revers à domicile contre la Grèce et la Yougoslavie priveront la sélection d’une qualification et de confirmer ce succès de prestige face au futur champion du monde.
L’EURO 1984
La préparation ne laisse envisager rien de très florissant. Après une tournée dans le Golfe, les danois subissent en mars une correction contre la Hollande 6-0. Suivie de deux autres défaites en Espagne 1-2 puis contre la Tchécoslovaquie 0-1. Le seul succès notable sera une victoire en Suède 1-0. En Juin 1984, le Danemark débarque donc avec ses doutes mais aussi avec une légion de supporters, 16 000 exactement. Ces derniers apporteront aux tribunes françaises une ambiance festive avec drapeaux, bonne humeur et joie de vivre. Le « roliganisme » en force (de rolig en danois qui veut dire calme) : les supporters danois profitent de l’émergence de l’équipe nationale en s’inspirant des ambiances de carnavals pour rependre la bonne humeur dans les tribunes d’Europe. Les fans n’hésitant pas à braver les kilomètres pour suivre la sélection. Notamment, parmi eux, un jeune homme du nom de Peter Schmeichel, qui n’hésita pas à faire un aller-retour de 38 heures la veille d’un match de Hvidovre contre Brondby le lendemain (8-1). Premier match face à la France, pays hôte, au Parc des Princes (stade où les bleus, au moment d’attaquer cet Euro, sont invaincus). Le Danemark allait museler les bleus à l’image de Berggreen qui ne lâcha pas Platini.
Michel Platini et Morten Olsen
Au contraire, nos scandinaves par une tête du nouvel ami du numéro 10 français en première période puis une autre du Bison sans oublier un coup franc d’Arnesen, faillirent tromper la vigilance de Joël Bats. En seconde période, petit à petit Berggreen lâcha prise sur Platini. Et… petit à petit, et c’est à ça qu’on reconnaît l’influence d’un grand joueur, les bleus se réveillèrent. Le turinois dégaina 2 têtes qui furent arrêtées par Qvist. Non découragé, le meneur de jeu français vit sa 3e tentative être la bonne à la 78e minute quand son tir dévié par la tête de Busk, trompa Qvist. 0-1. Les Bleus finiront à 10, suite au fameux coup de tête d’Amoros sur Jesper Olsen. Outre cette défaite encourageante, ce fut déjà le dernier du tournoi pour le pauvre Simonsen. Suite à un choc avec Yvon Le Roux, peu avant la pause, celui-ci eut le tibia cassé.
Deuxième match face à la Yougoslavie. Les danois vont alors révéler leur potentiel aux yeux de l’Europe. Une vraie leçon de beau jeu avec un 5-0 (doublé d’Arnesen, Berggreen, Larsen et Lauridsen). On se dit alors que le séjour en France peut durer un peu plus longtemps que ce qu’avaient prédit la plupart des observateurs qui pouvaient encore douter de cette troupe.
Outre la manière, l’équipe va ensuite montrer du caractère lors du « derby » décisif contre les diables rouges, finalistes de la précédente édition. Les belges , fessés par l’équipe de France à Nantes quelques jours plus tôt 5-0, sont dans l’obligation de l’emporter pour se qualifier. Au total ,9 Anderlechtois seront présent sur la pelouse pour ce match . Sans compter le petit conflit familial chez les Larssen, madame possèdant la nationalité belge. Pas d’amitié « mauve » qui tienne. Quand Vandereycken « taquine » Arnesen d’un peu trop prés, il n’en faut pas moins pour voir un Morten Olsen se charger de la mise en respect : « Si j’avais une arme, je l’aurais fusillé » dira-il. Menés 2-0 avec des buts de Ceulemans et Vercauteren et devant plus de 20 000 supporters, les danois parvinrent à égaliser grâce à un penalty d’Arnesen juste avant la pause et une tête de Brylle à la 60e. C’est à 5 minutes de la fin que la révélation Larssen donne la victoire aux siens et leur permet d’assurer la qualification pour une demi-finale contre l’Espagne à Gerland. Pour fêter ça, Piontek permit aux joueurs de sortir le soir avec un couvre-feu à 5 heures du matin. La plupart sont rentrés juste à temps pour le petit-déjeuner, et le déjeuner devait être remis à 17h. Il y a des choses qu’on ne peut décidément changer…
Dès le début de cette demi-finale, les magnifiques danois se ruèrent à l’assaut, nullement intimidés par l’occasion de Carrasco en tout début de match. À la 6e minute, sur un centre d’Arnesen, Larsen répondit par une tête au point de penalty que Arconada repoussa tant bien que mal sur Lerby qui, en embuscade, ne se priva pas pour ouvrir le compteur. Le Danemark domine, l’Espagne elle, subit tant bien que mal. Quitte à durcir le jeu et commettre des fautes, ce qui était chose courante dans la défense ibérique à l’époque. À la reprise, Anersen, encore lui, frappa sur le poteau. Laudrup, Larsen, Lerby tour à tour essayèrent de doubler la mise, sans succès. Le Danemark avait laissé passer sa chance et peu à peu l’Espagne se mit alors à sortir, à jouer et ce qui devait arriver… arriva. Suite à un ballon mal dégagé, Maceda égalise à 1-1 et malgré une ultime tentative de Laudrup qui buta sur Arconada, on allait avoir droit aux prolongations.
Celles-ci allaient se trouver deux héros, Arconada et Qvist. En effet, Santillana, Victor, Larssen, Bertelssen tour à tour essayèrent de part et d’autre de franchir un des 2 portiers, sans succès. 107e, Berggreen est expulsé. Et comme souvent, les tirs au but allaient devenir le terrain malheureux des héros de ce sport. Larssen loupa sa tentative, au-dessus de la barre, ce qui permit aux espagnols d’aller défier la France en finale. Les danois retournèrent au pays en héros. Cette demi-finale faisait office de victoire. Arnesen et Morten Olsen figurèrent dans l’équipe type du tournoi. Grace à ce parcours, le pays avait obtenu la reconnaissance et le respect du continent en ayant comme symbole, un Larssen, qui terminera 3e du classement du ballon d’or cette année-là. De plus, fort de sa performance internationale, il partit découvrir le Calcio et le Hellas Verone de Bagnoli. Une juste récompense pour celui qui à Lokeren se tailla une belle réputation, aux côtés de joueurs prestigieux comme Lato, Lubanski mais aussi Arnor Gudjohnsen (père d’Eidur) en marquant près de 100 buts en 6 saisons et offrant ainsi au club belge la période la plus prolifique de son histoire.
MEXICO 1986
Conscient de leur potentiel, les danois ont maintenant un objectif, une première qualification pour une Coupe du Monde qui aura lieu au Mexique. Pour cela, ils vont devoir s’extirper d’un groupe assez relevé avec l’URSS « made in dynamo Kiev », l’Irlande dont la réputation n’est plus à faire, la Suisse, la Norvège, … Cela devait passer par des rencontres de haute voltige. Et les danois répondirent présents en terminant premier de ce groupe et se qualifièrent pour leur première Coupe du Monde avec des victoires références face à l’URSS 4-2 (un des plus beaux matchs de cette sélection et un des plus abouti de la paire larsen-laudrup) et 4-1 en Irlande au Lansdowne Road avec un grand John Sivebaek (ce qui lui vaudra un transfert vers Manchester United et y devenir l’auteur du but de la première victoire de l’ère de sir Alex Fergusson ). Larsen lui, termine meilleur buteur du groupe avec 8 réalisations.
La sélection danoise lors de Danemark-URSS
Deux ans après l’Euro, revoilà donc cette fière bande qualifiée pour le mondial mexicain. Le groupe est le même mais avec un peu plus de bouteille. Du côté de la botte, Laudrup remplace à la Juve Boniek en partance pour Rome et contribue grandement au titre de champion d’Italie. Celui-ci, à bientôt 22 ans compte déjà, et avec la manière, près de 90 matchs en Série A en 3 saisons, confirmant tout le potentiel repéré dès son plus jeune âge. Mais aussi un Elkjaer Larsenn, champion d’Italie 1985 et second du classement ballon d’or 85. Et toujours Berggreen qui lui, s’apprête à passer de Pise à la Roma. Au pays de Derrick, Lerby est champion d’Allemagne avec le Bayern. Du côté du plat pays, les anderlechtois toujours fidèles et encore champion de Belgique avec le capitaine Morten Olsen, Per Frimann, Heinrik Andersen. Arnesen lui, quitte la capitale belge à l’hiver pour le PSV avec qui il sera champion. On peut rajouter les « anglais» Jesper Olsen et Sivebaek à Manchester et Molby à Liverpool (premier joueur du continent à signer à Anfield et deviendra le premier étranger à rester 10 ans dans un même club anglais).
Les danois, pour leur première participation, arrivent avec une étiquette de favori. Le tirage les voit tomber dans le groupe E avec la RFA, l’Écosse et l’Uruguay . Pas de quoi faire douter Piontek. Celui-ci annonce la couleur : « Nous visons les 6 points possibles (la victoire valait 2 pts à l’époque ) et en attaquant, comme nous le faisons toujours » promet-il. Les joueurs eux, ne se prennent pas la tête. Laudrup affirme qu’ils sont la réponse européenne au Brésil de Telê Santana alors que d’autres membres de l’équipe se voient comme une version des Pays-Bas 70’s. Accompagnés de leurs épouses (joindre l’utile à l’agréable), l’entame de la compétition ne les stresse pas vraiment. Mais pour ne rien laisser au hasard, les joueurs ont effectué un séjour en Colombie pour s’habituer au climat et à l’altitude. Au programme, entraînements avec masques à oxygène, test de résistance au manque d’oxygène dans le cadre d’un programme quotidien de 8h … à 23h.
Le premier match à Netzahualcóyotl face à une Écosse qui cherche enfin à passer ce premier tour. Ces derniers sont dirigés par Alex Ferguson, qui considère le Danemark simplement comme la meilleure équipe d’Europe. Une rencontre bloquée par l’enjeu où les 2 camps ne veulent faire l’erreur fatale. Le salut du match viendra d’Elkjaer Marssen qui trompe Leighton d’un tir croisé à la 66ème. Deux points de pris dans un groupe aussi serré, l’essentiel est là. La 2e rencontre les opposent à l’Uruguay auteur d’un nul face à la RFA quelques jours plus tôt 1-1. Et là, les danois vont nous donner un vrai récital face à des sud-américains qui ont prévu une seule chose, ne pas jouer au football. Violents, roublards et insupportables… L’Uruguay version 86, vainqueur de la dernière Copa America ne laissera pas un grand souvenir par son jeu. Piontek conseille alors de relâcher le dribble et de déplacer la balle rapidement afin d’éviter les tacles sud américains. Déjà débordés de toutes parts, les uruguayens furent vite réduits à 10 suite à l’expulsion de Bossio à la 19e minute après une faute sur Arnesen. Résultat, triplé de larsen (16′, 68′, 79′), buts de Lerby (40′), Laudrup (51′) et Olsen (88′) face à un penalty de Francescoli (45′) pour un score de 6-1. Un récital, le Danemark est donc qualifié suite à la victoire allemande face à l’Écosse, et se révèle aux yeux du monde entier. La télévision mexicaine ira même jusqu’à déclarer que la démonstration scandinave était la fête du football. Berggreen déclara : « Si nous avions pu les battre 10-1, nous l’aurions fait ». Reste ce dernier match de poule face à la RFA et ses interrogations citées au début de cette aventure…
La RFA elle, suite à un Euro 84 raté avait fait appel à Beckenbauer afin de faire en sorte que cette contre-performance ne soit qu’un accident. Surtout que le prochain championnat d’Europe se jouera à domicile. Pour cela, le kaiser s’entoure de quelques cadres finalistes de la précédente édition en Espagne. Certains en fin de carrière veulent partir la tête haute comme Rummenigue, Allofs , Briegel, Littbarski, Magath,… Le Danemark n’avait jamais battu l’Allemagne de l’Ouest (hormis face à une sélection amateur en 1971). Et Piontek, qui n’a jamais été reconnu à sa juste valeur dans son pays natal, mettait un pont d’honneur à rectifier cette anomalie. Il décide de laisser au repos Nielsen et Bergreen, en raison de la menace d’une suspension en cas de nouveau carton jaune. « Nous avons eu une réunion d’équipe et avons décidé d’aller chercher la victoire car nous sentions que nous pouvions les prendre. » déclare Molby.
Et dès le début de cette rencontre digne d’un combat des chefs, on est dans le sujet, Lerby servait Larssen et Laudrup, Anersen lui testait les reins de Jakobs. La RFA tenait, tant bien que mal, en tentant mais en vain. À la 44e minute, Morten Olsen parti du milieu de terrain se fait faucher par Rolff dans la surface allemande.
Pénalty qu’Olsen se charge d’exécuter et prend à contre-pied Schumacher, 1-0 à la pause. 2e période, les deux formations continuent sur leurs intentions. Le pressing danois Olsen, Lerby, Arnesen allait encore faire parler et être récompensé en doublant la mise à la 62e par Eriksen sur une passe d’Anersen. Le Danemark tenait son succès avec une grande maîtrise. Mais arriva cette maudite 88e minute . Harcelé par l’agressivité de Matthaus, Arnesen perdit son sang-froid et se fit justice. La sentence est sans appel, carton rouge (ce qui allait avoir de graves conséquences… face à l’Espagne pour la revanche de la demi 84). En 1989, Arnesen reparla de cette expulsion lors d’une interview :
« J’avais été énervé pendant tout le match, ma femme était tombée malade, elle était allongée suite à une méningite. D’où la raison de mon agressivité, je pense que toute l’excitation qui en découlait a eu un effet indirect sur mon expulsion.»L’expulsion d’Arnesen
2-0, le Danemark, seule formation avec le Brésil à avoir remportée ses 3 matchs de poule, était devenue LE favori du mondial. Ceux qui ont connus la Danish Dynamite vous donneront pour la plupart les noms de Laudrup et Larssen en tête de gondole. Mais Arnesen,sosie de Mick Jagger (ou David Johansen des New York Dolls, connaissez pas ? Pas grave, j’ai l’habitude), comme on aime à le rappeler, est à mon avis un des grands artisans de la réussite de la Danish Dynamite. Parti très jeune à l’Ajax aux cotés de Lerby, il possédait ce petit plus dans sa conduite de balle, ses changements de directions soudaines qui rendaient fou les défenseurs adverses. Le support idéal pour Larsen et Laudrup .Et cette expulsion allait malheureusement le démontrer pour la suite
Ce 8ème démarre bien pour les danois, qui ouvrent le score sur un penalty d’Olsen à la 33e. L’Espagne, fort de sa qualification en 84 face à son adversaire du jour ne panique pas et ne se jette pas. Alors qu’on se dirige tranquillement vers la mi-temps, il était écrit qu’Olsen, sera hélas le héros de cette première période. Se trouvant seul sur le côté droit il effectue une passe vers l’axe en pensant trouver Busk ou Qvist. Surpris comme toute la défense danoise, il voit Butragueno intercepter et égaliser, 1-1 à la pause. Des années plus tard, Olsen reviendra sur cette autre « œuvre » immortelle (la première étant sa manière originale de tirer les penaltys avec pour complice Johan Cruijff du temps de l’Ajax) : « J’ai toujours rejeté la faute sur le gardien. Je referais exactement la même chose, tout simplement parce que j’avais vu et décidé ce que je devais faire. Ça fait partie du jeu », coupe-t-il. « Après quelques années, j’ai commencé à voir cela différemment. J’en plaisantais avec les gens, j’ajoutais une note positive à l’événement. Dans ces cas-là, on peut aussi se cacher, mais à bien des égards, cela rend beaucoup plus fort d’assumer. À l’époque, je ne savais pas trop comment gérer ça, mais après coup, j’estime que cela a été une expérience extraordinaire. D’un côté, c’était un désastre, mais de l’autre, c’était une expérience riche en enseignements. » De part ce geste l’expression « rigtig Jesper Olsen » (une vraie Jesper Olsen) entra dans le langage footballistique danois. Son auteur lui, passera la fin de sa carrière en France. D’abord à Bordeaux où il laissera un souvenir impérissable à Lizarazu .Ce dernier déclarant qu’il était le joueur avec qui il a formé le duo le plus performant dans sa carrière. Puis à Caen, où il finira au poste… d’arrière gauche avec beaucoup plus de réussite que ce triste jour de Querétaro au sein sans doute d’une des plus grosses équipe que Malherbe et la Venoix (ancien stade de Caen ) aient connus
Retour sur ce 8ème. 57e, El Buitre double la mise sur un corner de Victor, placé dans les cinq mètres, il ajuste Qvist. Les danois n’y sont plus. Piontek fait rentrer Eriksen, à la place d’ Andersen. Le système se déséquilibre et le Danemark s’expose aux contre-attaques espagnoles qui n’en demandaient pas tant. 68e minute, toujours Butragueno, est fauché dans la surface. Penalty que marque Goikoetxea. Le Danemark est mené 3 à 1. Butragueño inscrit encore deux buts (80e et 89e minute). Ce qui lui permet de réaliser un quadruplé et d’éliminer les scandinaves. Les choix de Piontek allaient être au centre du débat. Outre la suspension d’Arnesen, l’absence de Mølby, dans le 11 de départ allait être considérée comme une erreur essentielle. Sans ces deux joueurs, le Danemark s’était retrouvé très affaibli au milieu de terrain, ce dont la Roja profita. Ce parcours est encore une preuve de plus, qu’il ne faut jamais se fier aux premiers matchs. Et qu’une Coupe du Monde se gagne sur un mois complet. Pas étonnant d’ailleurs de constater que seules les nations phares, habituées aux joutes finales ont pu remporter cette compétition.
Le Danemark se qualifiera pour la compétition suivante, le championnat d’Europe en RFA en terminant 1er de leur groupe comprenant la Tchécoslovaquie, le Pays de Galles et la Finlande. Malheureusement, l’équipe dont l’ensemble commence à devenir vieillissante, ne passe pas le premier tour d’un groupe comprenant l’Espagne (décidément), la RFA et l’Italie. En effet, Olsen attaqua cette compétition à presque 39 ans, Nielsen 32, Busk 35, Larsen, Berggren et Lerby (1 des 4 champions d’Europe danois avec le PSV Eindhoven quelques semaines plut tôt). Un Molby en difficulté à Liverpool suite à une blessure en début de saison. Sans oublier l’absence d’un Arnesen blessé une bonne partie de la saison au PSV. Pire, ils repartent avec 3 défaites dans les bagages. Ce dernier match contre l’Allemagne de l’Ouest s’est avéré être le dernier match international pour le Bison, après 69 sélections et 38 buts. Comme d’autres, Morten Olsen arrêtera peu après ce championnat d’Europe. Il fut le premier joueur à avoir passé la barre des 100 sélections danoises (de 1970 à 1989). Ne parvenant pas à se qualifier pour le mondial de 1990 en Italie en finissant à 1 point des roumains, la fin de l’ère Piontek plane sur la sélection. Elle arrivera à l’été 90 suite à une sombre affaire de compte bancaire au Liechtenstein. Il prendra par la suite la tête de la sélection turque.
« C’était incroyable, nous sommes passés d’une nation amateur dans les années 1970 à la conquête du monde. C’était fantastique. » – Jan Molby
Oui fantastique le terme est tout trouvé, l’histoire aime à raconter le destin des grandes équipes. Leurs palmarès, leurs victoires. Mais aussi, l’histoire conte le destin de celles qui finirent sur un échec comme une œuvre dont l’issue serait digne d’une tragédie shakespearienne. Et dieu sait que nous avons une faiblesse pour ces fins nourries de regrets. Qui parmi nous et nos aïeuls, n’a pas eu de faiblesses pour la Hongrie de Puskas en 54, la Hollande de Cruijff en 74, le Brésil de Télé Santana en 82 (le dernier Brésil version samba). Ces équipes qui faisaient aimer le football au premier venu. Et voir leurs destins unir regrets et éternité. Ma génération elle, a connu entre autre le Danemark. Et son empreinte, à défaut de trophée, est à jamais, au même titre que les exemples ci-dessus , laissée dans le panthéon du football. Car la plus belle récompense que peut apporter ce genre d’équipe, est bien plus qu’un trophée, c’est le respect et la reconnaissance d’amateurs de ce sport. Et grâce à eux, beaucoup se sont découvert un intérêt qui allait devenir pour les uns une passion et pour les autres un métier. La Danish Dynamite en a inspiré plus d’un. A commencer par le nombre de gamins dans les cours de recréation de Copenhague et du Danemark. Et c’est pour cela que le terme « conter » n’est aucunement usurpé. Surtout, quand on sait que Piontek avait pris pour résidence le village de Blommenslyst situé à 15 kilomètres de Odense. Lieu aussi connu pour avoir vu grandir un auteur du nom de… Hans Christian Andersen.