Il la voulait, cette qualification. Il en avait tant rêvé. Andreas Granqvist ne se voyait pas passer son début d’été ailleurs qu’en Russie. Non pas du côté de Krasnodar, où il a passé ces cinq dernières années sous le maillot du FKK, mais sur les différentes pelouses de la Coupe du Monde avec le maillot jaune et bleu sur les épaules. Alors forcément, au terme du barrage retour du 13 novembre dernier, lorsque Mateu Lahoz a fait retentir son sifflet pour la dernière fois dans un San Siro déconfit, le géant suédois a pu laisser éclater sa joie. Submergé par l’émotion d’un exploit retentissant, il tombait dans les bras de son ami Sebastian Larsson, à genoux au milieu de leur surface de réparation si vaillamment défendue.

Les Blågult venaient de provoquer un véritable séisme, en validant leur billet pour le Mondial face à une Nazionale qui n’en avait pas manqué un depuis 1958. Le capitaine scandinave, en larmes, avait réussi son pari. Si ce dernier, justement, lui vaudra d’arborer une boule à zéro durant quelques semaines, l’essentiel est ailleurs. Lui qui a déjà participé à trois Euro, disputera dans quelques jours sa première Coupe du Monde, dans « sa » Russie. Car au pays des tsars comme en Suède, le gaillard d’1m92 est un monument !

Granqvist rasé par son coéquipier à Krasnodar, Viktor Claesson, après la qualification face à l’Italie

Une star parmi les tsars

Auteur de 181 matchs avec le FK Krasnodar, dont 164 en tant que capitaine, il a séduit par ses prestations et par sa personnalité. Défenseur central, c’est avant tout un joueur puissant, fort dans les duels. Mais son passé de milieu offensif en jeunes lui permet également de réaliser de belles remontées de balle et d’être un tireur de penalty efficace. Enfin, en bon meneur d’hommes, il fait preuve d’un réel esprit de sacrifice.

Comme l’intéressé l’avouait lui-même dans une interview sur le site de la FIFA, il est « le genre de personne qui parle plus sur le terrain qu’en dehors ». De plus, il « aime être un leader et inspirer ses coéquipiers avec une énergie positive ». Pour lui, le brassard implique un investissement, un comportement irréprochable. Pour preuve, il n’est pas rare les lendemains de matchs de le voir rester après le décrassage pour assister à l’entraînement de ceux qui n’ont pas joué la veille, histoire de leur montrer que chacun a de l’importance.

« Granqvist a marqué l’histoire de Krasnodar et tous les supporters se souviendront de lui. » Nous confirme Philippe, qui tient un compte de supporters français de l’équipe sur twitter. « C’était un club de milieu de tableau à son arrivée en 2013. Il est un top club du pays à son départ en 2018 et il a été le capitaine de cette progression.[…] Ses déclarations devant la presse sont toujours pertinentes et il a formé une charnière très solide avec l’Islandais Ragnar Sigurdsson pendant trois ans». Et d’ajouter « une chose est certaine : tout le monde l’adore à Krasnodar». Personne ne mettra sa parole en doute en découvrant le travail réalisé par les jardiniers du Krasnodar Stadium pour son dernier match à domicile !

Pour le dernier match à domicile des deux joueurs, les jardiniers de Krasnodar ont dessiné les maillots de Granqvist (6) et Joaozinho sur la pelouse. (Photo FK Krasnodar)

L’heure du retour

Si la ville ne fait pas partie des retenues pour accueillir la plus belle des compétitions, l’homme aux 70 sélections pour 6 buts, évidemment dans la liste des 23 de Janne Andersson, va fouler une dernière fois des pelouses russes qu’il connaît bien. Puis, il retournera en Suède. À 33 ans et en fin de contrat, Andreas Granqvist s’est en effet engagé pour 3 années et demi dans le club de ses débuts, le Helsingborg IF. Il y sera ensuite directeur sportif pendant trois autres saisons. Le joueur s’est même déjà entraîné avec sa nouvelle équipe. Ce retour au pays met un terme à plus de dix ans passés à l’étranger. Au cours de quelques 380 matchs sous les couleurs de Wigan, du Genoa, de Groningen, et donc des « Taureaux » russes, le défenseur aura tout de même inscrit la bagatelle de 36 buts et offert 16 passes décisives.

Alors que Krasnodar a tenté de le retenir et que Copenhague lui a fait une proposition, ce retour peut sembler surprenant, Helsingborg évoluant actuellement en deuxième division. Mais l’enfant de Påarp, petite localité de la ville, a toujours clamé son désir de finir sa carrière chez lui. L’attente autour d’une remontée en Allsvenskan n’effraie en rien le compétiteur qu’il est. Per-Ola Ljung, qui dirige la formation en Superettan, affirmait sur le site officiel du HIF « Andreas a une grande expérience du football de haut niveau en Europe. Avec sa personnalité et son caractère, il convient très bien à cette équipe et à ce club. Nous sommes très fiers et heureux que ce soit un projet auquel il veuille participer ».

Au duel avec Pogba lors de la victoire face à la France en qualifications (2-1)

Un nouveau héros

Après sa prestation en Italie il y a quelques mois, on peut légitimement penser que l’arrivée de Granqvist est un renfort de poids pour ses nouveaux coéquipiers. Élu homme du match, il s’est mué en véritable cauchemar pour la Squadra. Dix dégagements, quatre interceptions, trois tacles réussis, cinq duels gagnés sur huit, un tir contré in extremis dans ses six mètres et un ballon dégagé juste devant sa ligne alors que ce dernier allait mourir dans les filets suédois. Un roc. Ou plutôt un « sapin » comme le surnomment ses compatriotes. Pour le coup, le « Gran » a effectivement été une grosse épine dans les pieds transalpins !

Quelques jours plus tard, il remportait le Guldbollen, -ballon d’or suédois- mettant fin au règne d’Ibrahimovic, lauréat des dix éditions précédentes. En plus de cette distinction, le colosse de Påarp a vu une vague d’amour lui arriver du pays. Déjà apprécié, celui qui avait également succédé à Zlatan au capitanat de la sélection est devenu un symbole de la combativité et des valeurs des Blågult. En témoigne la campagne « Granen i granen », comprenez « le Sapin dans le sapin », qu’il a parrainée.

Celle-ci a été lancée à l’initiative d’une adolescente de 14 ans, Tilda Larsson. Après la qualification de la Suède, elle contacte Andreas Granqvist sur son compte Instagram, et lui demande l’autorisation d’utiliser son image pour créer des décorations de Noël. Le joueur accepte, à titre gracieux. Une partie des fonds est reversée à une fondation pour le cancer infantile, le reste est laissé à Tilda. Voilà comment des centaines de familles suédoises se sont retrouvées avec le Sapin, sur leur sapin.

Tout récemment, un sondage mené par Inizio et Sportsbladet le place encore en deuxième position des joueurs les plus populaires en Suède, derrière le maestro Emil Forsberg. John Guidetti complète le podium. Auprès des femmes, Forsberg et Guidetti échangent leurs places, mais Granqvist reste deuxième. La classe, on vous dit !

À l’aube de son plus grand défi, peut-être le dernier sous le maillot de la sélection, le capitaine « Gran » a donc à cœur de montrer au monde que malgré son surnom et son âge, il n’a rien d’une vieille branche ! La Suède quant à elle, aura besoin d’un grand « Sapin » pour sortir du bois face à l’Allemagne, le Mexique et la Corée du Sud.

 

photo mise en avant : Andreas Bardell

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