Lars Lagerbäck a orchestré la qualification de l’Islande pour l’Euro en France, à 67 ans. Le tacticien suédois a fait de cet archipel aussi peuplé que la Corse le petit ogre des qualifications en évinçant de son chemin la Turquie ou encore les Pays Bas notamment. Ce n’est pas la première fois que le suédois participera à une grande compétition nationale, mais ses 23 joueurs eux le découvriront, tout en représentant pour la première fois l’Islande, terre volcanique et de glace où le foot était autrefois inhospitalier les deux tiers de l’année.
Une ascension linéaire
Alors qu’il ne jouait que dans de modestes clubs de province suédoise, Lagerbäck s’est tourné rapidement vers un métier proche de sa passion. Dès 1977, le suédois âgé de seulement 29 ans est propulsé sur le banc du Kilafors IF, petit club en division régionale, situé à 250 kilomètres au nord de Stockholm, malgré le fait que son jeune âge pour le poste soit critiqué. En 20 ans, Lagerbäck enchaîne les matchs amateurs avec Arbrå puis Hudiksvalls, mais cette activité ne lui permet pas de vivre. Son choix se porte donc de rejoindre la SvFF (l’Association suédoise de football) pour prendre la direction des équipes de jeunes. C’est alors que Lars Lagerbäck va grimper en échelon, en passant à l’équipe espoir où il y sera à la tête durant cinq années. Son parcours au championnat d’Europe espoir de 1992 lui sera récompensé en allant en Finale de cette compétition (meilleur performance jusqu’alors), c’est alors qu’il prend place dans l’équipe B de la Suède avant que Tommy Söderberg nommé sélectionneur à l’époque de la Suède amène Lagerbäck en tant qu’assistant avec lui. Les deux hommes s’étaient déjà de nombreuses fois côtoyés dans les équipes juniors.
Après l’Euro 2000 au Benelux, le sélectionneur et son assistant se partagent les rênes de l’équipe nationale, en la dirigent en tandem jusqu’au prochain Euro quatre ans plus tard. Petit à petit, Söderberg laisse sa place de sélectionneur. C’est après un Euro 2004 partiellement réussi, où ils atteignent les quarts de finale, que Lars prend seul les commandes du navire bleu et jaune. Il amène la Suède deux fois en huitième de final d’une coupe du monde (2002 et 2006) et ses participations successives aux compétitions majeures ne laissent pas entrevoir un possible changement à la tête de la sélection.
Des échecs et ambitions freinés
Un échec est vite arrivé, et l’histoire est là pour nous le rappeler. A l’Euro 2008 d’abord, l’élimination précoce de l’équipe en phase de poule, certains journalistes du pays demande alors son licenciement. Mais, contre l’avis de ceux-ci, la fédération suédoise le prolonge jusqu’à la prochaine échéance, à savoir la Coupe du monde 2010. Suite à des qualifications rudes pour la Coupe du Monde se tenant en Afrique du Sud, un profond dégoût en Suède se fait ressentir, et Lars Lagerbäck, qui ne peut l’empêcher, décide avec amertume de démissionner de son poste qu’il tenait depuis quasiment dix ans.
Ne participant pas à la Coupe du monde avec la Suède, Lars Lagerbäck y participera tout de même avec une nation africaine, le Nigéria. Mais il ne peut pas se réjouir du parcours des Super Eagles, évincé dès le premier tour avec un seul point pris, même s’il n’a pas eu de temps pour préparer l’équipe pour cette grande compétition sur son continent. L’aventure entre le suédois et le Nigéria tourne court, malgré une prolongation de contrat déclinée par le sélectionneur. Un poste pour la sélection du Pays de Galles est ensuite évoqué, même si cela ne se fera pas.
Des prouesses en Islande
Sous l’ère Jóhannesson (sélectionneur de l’Islande de 2007 à 2011), au bas-fond du classement de l’UEFA, ou encore derrière des pays comme Haïti ou le Koweït à la Fifa, et au delà de la 100ème place, l’Islande allait au plus mal. C’est alors que Lars Lagerbäck est choisi pour reprendre une équipe en difficulté, peu prometteuse Mais l’expérience du suédois et sa philosophie intéresse grandement l’Islande, ce qui leur permet d’attaquer les qualifications à la Coupe du monde, alors qu’un Euro semble déjà très loin.
Même si la poule en qualification est assez faible, les Strákarnir okkar (traduction: nos garçons) ne font figure ni de favoris, ni d’outsiders pour la Coupe du monde 2014 . En se lançant parfaitement dans celle-ci, Lars Lagerbäck et ses joueurs forment une bonne dynamique, créant un groupe homogène et solide. Le suédois peut également profiter de l’amélioration des infrastructures dans le pays, et s’appuie beaucoup sur les joueurs en leur donnant confiance, sans les surprotéger.
Les joueurs doivent comprendre qu’ils doivent assumer leurs propres responsabilités, s’ils veulent devenir de bons joueurs. Parce que moi, en tant que coach, je ne peux pas les faire fonctionner tout le temps, sur et en dehors du terrain. Alors je dis aux joueurs aujourd’hui que s’ils veulent être à 100% dans leur travail, ils doivent prendre beaucoup de responsabilités eux-mêmes ».
Au final, on comprend que la méthode Lagerbäck est très simple. Selon lui, il n’y a pas des centaines de chemins menant à la réussite, surtout dans un si petit pays de football, il faut choisir celui qui est le moins encombré même s’il semble le plus long. Celui où tout le monde si retrouve et avance ensemble. Cela s’applique dans le style de jeu, la préparation des matchs, à l’entraînement, et tout ce qui peut influencer dans le football, comme le comportement, l’engagement… Chaque joueur doit avoir une idée clair de ce qu’il peut produire, en ayant en tête ce que l’on attend d’eux. C’est ainsi que naît un état d’esprit entre les joueurs, encouragés par leurs supporters.
Rivalisant contre les norvégiens, les suisses… un engouement se forme également autour de la sélection. Comptant seulement un peu plus de 300 000 habitants, ils sont environ 7,5% de la population à s’être rendus au stade pour voir leur nation lors des qualifications, ce qui fait le pourcentage le plus important en Europe, voir au monde. Second de leur groupe devant la Slovénie et la Norvège, l’Islande accède pour la première fois de son histoire à des barrages de Coupe du monde, un exploit salué partout dans l’île ! Dans le chapeau numéro 2, les islandais affronterons une grosse équipe européen, qui sera la Croatie.Tenus en échec dans l’archipel, les croates s’offrent une nouvelle Coupe du Monde au Brésil en s’imposant 2 à 0. En passant de très peu de la plus grande compétition nationale au monde, Lars Lagerbäck est applaudi par tout un pays, et est prolongé sur le banc islandais jusqu’à l’Euro 2016, où il s’engage à préparer la transition de son poste au co-sélectionneur Heimir Hallgrímsson qui prendra sa succession.
Dans un groupe contenant de bonnes pointures, l’Islande semble très petite aux côtés de la Turquie, les Pays Bas et la République Tchèque. Dans le Laugardalsvöllur à Reykjavík, c’est pourtant l’Islande qui crée la première surprise en surmontant la Turquie 3 buts à 0 ! Par la suite, il s’impose de nouveau de trois buts d’écart, avant d’entreprendre au Pays Bas. Tout au long de ses qualifications le suédois emmène son équipe petit à petit vers la France discrètement. Le suspens s’arrête contre le Kazakhstan en prenant un point précieux, sème la panique au Pays Bas, crée une euphorie en Islande. Un parcours incroyable avec à la clé une première qualification dans une grande compétition pour cette toute petite nation, avec à sa tête un suédois opportuniste.
Au fil du temps, Lars a pu compter sur de nouveaux joueurs, formant une génération dite en « or », s’exportant dans toute l’Europe. Le sélectionneur suédois a su utiliser les points forts de son équipe en utilisant une philosophie propre a lui, claire et simple qui a fonctionné pendant 5 ans. La participation à l’Euro est le point d’orgue du suédois, la cerise sur le gâteau qu’il a soigneusement préparé à son successeur Hallgrímsson. Les matchs amicaux ont révélé que l’équipe est toujours dans le même état d’esprit, même si quelques problèmes dans le jeu se sont révélés.
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