Le football groenlandais : un chemin ambitieux vers la scène internationale

Depuis notre dernier article sur le football au Groenland, en janvier 2023, l’univers sportif de l’île continue d’évoluer. Entre désirs d’indépendance, développement de la fédération, mise en avant des maillots et efforts vers une professionnalisation accrue, le football groenlandais s’affirme comme un marqueur identitaire et culturel.

L’état actuel du football groenlandais

Depuis l’année dernière, le projet de l’Arktisk Stadion, qui devait révolutionner le paysage sportif local, semble abandonné. Ce stade, censé être un tremplin pour l’équipe nationale, ne verra jamais le jour et n’a pas été remplacé par un autre projet concret. Voici les pensées de Kenneth Kleist, président de la fédération de football Groenlandaise, que nous avons eu le plaisir d’interviewer.

Où en sont les discussions concernant la construction d’un futur stade national ?

Nous étudions actuellement différentes options. Nous avons un projet de stade de grande envergure répondant aux normes internationales. Le coût, les contraintes architecturales, ainsi que le vent et les conditions météorologiques constituent naturellement des défis que nous espérons surmonter dans les années à venir.

À plus court terme, nous prévoyons d’installer un AIRDOME, une structure gonflable recouvrant complètement notre stade, que ce soit dans les villes ou les villages du Groenland. Cela permettrait d’utiliser le terrain toute l’année et d’accueillir divers événements, y compris des matchs de football. Nous sommes à ce jour en phase de conception, de financement et de planification de ces AIRDOMES, que nous espérons rendre accessibles à tous les Groenlandais dans un avenir proche.

Dès que le premier sera opérationnel, nous espérons y organiser un match officiel dans la région arctique.

Actuellement, le Groenland ne compte que 18 terrains de football praticables, qui sont progressivement modernisés. Les nouvelles installations synthétiques remplacent peu à peu les anciens terrains en sable, terre et cailloux, autrefois dangereux pour les joueurs.

Malgré des infrastructures limitées, le football gagne en popularité. Environ 10 % des 57 000 habitants de l’île sont licenciés dans l’un des 76 clubs de football. L’intérêt croissant pour ce sport en fait un élément clé de la culture groenlandaise. Toutefois, le futsal reste prioritaire en raison des conditions climatiques extrêmes : avec neuf mois de neige par an, la pratique du football en extérieur est limitée à quelques mois seulement.

 

Morten Rutkjaer, entraîneur de la sélection nationale, nous éclaire sur cette pratique.

Quel rôle joue le futsal dans l’équipe nationale aujourd’hui et quelle place aura-t-il dans le futur ?

Le futsal est une bonne chose, mais la candidature à la CONCACAF repose sur le football en extérieur. Les fédérations internationales de football ne se basent pas sur l’intérêt ou le développement du futsal, mais sur l’existence de terrains et d’infrastructures pour le football en extérieur. En dehors des frontières du Groenland, ce sport n’est pas une priorité.

Je suis un grand fan du futsal au Groenland, mais il ne peut pas être utilisé comme argument dans la candidature à la CONCACAF. Lorsque nous disposerons d’un terrain couvert permettant aux joueurs de s’entraîner toute l’année, alors le futsal sera une excellente alternative pour entretenir leur condition physique et leur technique.

Le championnat national, existant depuis 1964, conserve son format unique : une phase finale sur une semaine, précédée de qualifications régionales organisées dès juillet.

Avez-vous un joueur emblématique ou une figure nationale qui inspire les jeunes talents au Groenland ?

Je dirais Patrick O Frederiksen, Søren Kreutsmann, Nemo Thomsen et Karsten Andersen, nous répond l’entraîneur de la sélection.

Une équipe nationale en pleine mutation

Depuis quelques années, l’équipe nationale bénéficie tout de même d’un une mise en lumière notable, notamment grâce à ses nouveaux maillots conçus par Hummel. Ces tenues, profondément ancrées dans la culture groenlandaise, arborent des motifs traditionnels comme les tuukkaqer (lances représentant l’esprit combatif) ou les tupilaks (figures spirituelles de l’art local). Le maillot extérieur, quant à lui, évoque la glace et le froid, emblématiques de l’île.

En parallèle, le Groenland aspire toujours à rejoindre une organisation internationale. Si l’adhésion à l’UEFA ou à la FIFA reste hors d’atteinte faute d’infrastructures adéquates, l’avenir semble se dessiner en Amérique du Nord, avec la CONCACAF. Cette affiliation serait historiquement et culturellement cohérente, 90 % de la population groenlandaise étant d’origine inuite.

Le projet CONCACAF : une nouvelle ère pour le football groenlandais

En mai 2024, la fédération groenlandaise (KAK) a officiellement déposé sa candidature pour devenir le 42ᵉ membre de la CONCACAF. Une délégation groenlandaise se rendra à Miami le 27 février 2025 pour entamer des négociations avec le secrétaire général Philippe Moggio. Trois matchs internationaux sont également prévus cette année, probablement contre de petites nations membres de la CONCACAF.

Avec les aménagements nécessaires, notamment un stade couvert utilisable toute l’année, le Groenland espère répondre aux exigences des confédérations internationales. Bien que l’île ne puisse rivaliser avec des géants comme les États-Unis ou le Mexique, elle pourrait se mesurer à des nations plus modestes d’Amérique centrale.

Nous avons également demandé à Kenneth Kleist, président de la fédération, quelles étaient les prochaines étapes prioritaires pour le Groenland, au-delà de la candidature à la CONCACAF.

Nous avons des plans très ambitieux pour le football groenlandais. Au niveau national, nous travaillons en étroite collaboration avec les clubs afin de former les entraîneurs et de développer des structures adaptées. Nous mettons en place des programmes pour les jeunes talents, aussi bien chez les filles que chez les garçons, ainsi qu’à tous les niveaux, du football de base jusqu’à l’élite. 

Notre objectif est d’inclure l’ensemble des footballeurs du pays dans un véritable environnement de football et d’intégrer ce travail dans le cadre du plan national de santé, afin de renforcer notre société aussi bien physiquement que mentalement. Nous avons de nombreuses idées et projets que nous espérons voir contribuer à l’évolution du Groenland.

Le développement des joueurs est une priorité. Nous avons prévu des stages, des programmes de formation pour les talents et des échanges avec d’autres nations. Nous sommes conscients que nos joueurs doivent affronter de meilleurs adversaires et évoluer dans un environnement compétitif pour progresser. C’est pourquoi nous explorons actuellement différentes opportunités via notre équipe internationale, qui dispose de bureaux et de personnel à Nuuk, Copenhague et Miami.

Sur le plan international, nous mettons tout en œuvre pour développer notre réseau, attirer des sponsors et nouer des partenariats pour nos équipes. Notre équipe de futsal va bientôt participer à un tournoi au Brésil, sans doute le plus grand défi auquel elle a été confrontée jusqu’à présent. Cela témoigne de notre ambition dans cette discipline.

Mais le football à 11 reste notre priorité. Nous collaborons avec plusieurs nations de la CONCACAF afin d’organiser des rencontres et de créer une dynamique commune autour de nos ambitions. Nous considérons le football comme une plateforme d’expression et de démocratie, et c’est dans cet esprit que nous abordons nos futurs partenariats.

Nous entretenons également d’excellentes relations avec plusieurs médias et nous nous efforçons de les préserver. Notre équipe de communication fait un travail remarquable en racontant l’histoire du Groenland à travers le football. Un film documentaire sur notre équipe nationale est en préparation, et il servira sans doute de référence pour mieux comprendre notre projet footballistique.

Le Groenland suscite un intérêt croissant, et nous espérons qu’à l’avenir, ce sera avant tout pour des raisons purement footballistiques.

Le Groenland souhaite se positionner comme une future nation compétitive au sein de la CONCACAF. Grâce au soutien de son gouvernement et à une détermination collective, le football groenlandais ne cesse de progresser tout en mettant en valeur son identité unique.

La fédération dispose d’une équipe incroyablement dévouée, composée de personnes de tous horizons.

Erik Klint en fait parti, après des expériences très diverses dans le football international, tant dans la communication que dans le consulting, il accompagne aujourd’hui la fédération en tant que consultant externe. Il nous raconte lui-même qu’il croit beaucoup aux projets groenlandais, et qu’il va « continuer à aider le Groenland comme il le fait déjà aujourd’hui. »

Avec un projet clair et des ambitions fortes, le Groenland semble prêt à écrire un nouveau chapitre de son histoire footballistique.

Tamanna Kalaallit Nunaannut kissaatigaarput ! (Bonne chance au Groenland !)

Laisser un commentaire