L’Islande va participer cet été en Russie au premier mondial de son histoire. Avec un peu moins de 350 000 habitants et seulement 23 000 licenciés, elle devient le plus petit pays à se qualifier pour une Coupe du Monde. L’île au milieu de l’Atlantique-Nord était jusqu’à présent plus habituée aux exploits de ses équipes de handball, l’autre sport national. Dans un pays où le relief et le climat ne sont pas toujours favorables à la pratique du football, personne n’aurait pu prédire un tel exploit il y a quelques années.
D’autant que le 11 avril 2012, cette nation pointait à la 131e place du classement FIFA pour aujourd’hui se trouver à la 22e place. Avec environ 66 000 demandes de billets pour la Coupe du Monde ce qui représente 16% de la population du pays, une grande partie de la nation est concernée par ce virage qu’est en train de prendre l’Islande dans le monde du football.
Les étapes à franchir ont été nombreuses avant d’arriver à un tel résultat : des prémices jusqu’à la qualification historique, retour sur l’histoire footballistique islandaise.
Chiffres clés – Raisons d’un succès :
– Le football un sport pour tous :
L’Islande compte environ 23 000 licenciés mais l’un des chiffres les plus impressionnants reste que 17 000 d’entre eux ont moins de 15 ans. En parallèle, la fédération a beaucoup misé sur le football féminin avec plus de 30% de licenciées féminines, soit plus d’un tiers du total des licenciés. Les féminines ont d’ailleurs montré l’exemple que tout était possible pour les masculins suite à des résultats encourageants rapidement.
– Amélioration des structures :
Tout est surtout parti avec la construction de nombreux stades, notamment certains proches des écoles pour sensibiliser les enfants au ballon rond dès leur plus jeune âge. En 2000, la construction du 1er terrain indoor, a aussi permis aux islandais de pouvoir jouer désormais tout au long de l’année et notamment de participer à des compétitions durant l’hiver.
En 2016 on recensait :
7 terrains indoor
12 minis-terrains indoor
23 terrains de football
136 mini-terrains
– Priorité sur les entraîneurs qualifiés :
L’Islande dispose d’environ 600 entraîneurs qualifiés dont 400 entraîneurs ayant la licence UEFA B nécessaire pour entraîner à partir des U10 ici sur l’île. Ce qui représente environ un coach pour 558 personnes et il faut savoir que chaque entraîneur est rémunéré.
Cette prise de conscience de former des entraîneurs qualifiés est apparue dans les années 2000 et particulièrement lors de l’année 2009. Malgré les faibles moyens à la disposition de la fédération, cela a été une priorité des dirigeants pour le développement du football islandais. Pour les jeunes joueurs et les générations futures, l’encadrement par des entraîneurs hautement qualifiés augmentera les chances de sortir des joueurs prometteur avec une forte mentalité dans des conditions idéales.
Les championnats en Islande :
Coupes :
Coupe de la Ligue Islandaise (Lengjubikarinn), Coupe d’Islande (Mjólkurbikarinn) et une Super Coupe d’Islande (entre le premier du championnat et vainqueur Coupe d’Islande)
Le Urvalsdeid Karla, connu sous le nom Pepsi-deildin, depuis que Pepsi est devenu le sponsor principal en 2009, est actuellement le 35e championnat Européen (devant la Finlande notamment). On pourrait penser que le succès de l’équipe nationale se répercuterait positivement sur ligue nationale, mais c’est loin d’être le cas. En effet, le championnat islandais est toujours semi-professionnel. Avec une faible moyenne de 1 020 spectateurs par rencontre, seulement 100 joueurs professionnels (plus de volcans que de joueurs professionnels), beaucoup ont encore un travail à côté et certains font des études à l’université également.
Le championnat se déroule de mai à fin septembre, et c’est le championnat avec la plus longue pré-saison au monde (Environ 6 à 8 mois). Le club le plus titré du championnat est le KR avec 26 titres, il s’agit également du club le plus ancien et le 1er club islandais, juste devant Valur avec 21 titres, les champions en titre. Seules 11 équipes différentes ont remporté le titre en 105 ans, une faible diversité due à la capitale Reykjavik qui concentre les 2/3 de la population et une grande partie des clubs islandais (7 des 11 équipes titrées viennent de Reykjavik).
De 1990 à 1998, le noyau de la sélection était composé de joueurs évoluant en Islande (environ 55% à 73% de l’effectif). Cela n’est plus le cas aujourd’hui avec la tendance à la fuite des meilleurs talents qui partent tôt pour les académies de grands clubs en Angleterre et aux Pays-Bas principalement. Des scouts de toute l’Europe viennent maintenant vérifier les progrès des étoiles montantes islandaises. Tous ne tentent pas directement leur chance dans les grands championnats mais restent dans les pays nordiques particulièrement en Norvège ou à Norrköping en Suède. Néanmoins la tendance commence à tourner, avec le retour de 3 internationaux qui seront au mondial : d’abord Birkir Már Saevarsson de retour à Valur, Kári Arnason à Víkingur et enfin Ólafur Ingi Skúlason à Fylkir.
Pour combler ce manque, il y a de plus en plus d’étrangers dans le championnat islandais (69 joueurs en 2017 soit 23%). Cette tendance n’est pas un mal pour la sélection qui a besoin de joueurs qui s’aguerrissent dans des championnats importants hors d’Islande. Mais le niveau du championnat en paye le prix et peine à se développer comme a pu le faire la sélection, preuve en est le meilleur parcours Européen des clubs islandais est un barrage d’Europa League pour le FH en 2013-2014 face à Genk et en 2017-2018 face à Braga et également Stjarnan en 2016-2017 face à l’Inter. C’est déjà un parcours encourageant, mais à l’instar d’un Skënderbeu Korçë, club albanais en groupe d’Europa League cette saison, ou le Sheriff Tiraspol en Moldavie, les clubs islandais ont besoin d’un parcours référence pour lancer une dynamique dans le championnat.
Les plus beaux stades d’Islande :
6 anecdotes du football islandais :
– Le rêve de tout footballeur, évoluer avec son fils lors d’une même rencontre
En 1996 face à l’Estonie, Eiður Guðjohnsen remplace son père Arnór. Historique, cela est la première fois que père et fils jouent lors d’un même match international. Malheureusement ils n’auront pas pu évoluer au même moment sur le terrain suite à la grave blessure de Eiður où le sélectionneur avait prévu de les faire jouer ensemble au prochain match à domicile.
– Guðjohnsen, longue famille sportive
Comme dit plus tôt, Eidur Gudjohnsen est le fils d’Arnór Gudjohnsen. Les deux auront laissé une empreinte indélébile dans le football islandais à leur manière : Arnór dans des clubs modestes d’Europe avec de longs passages en Belgique où il a finit meilleur buteur et aura remporté de nombreux titres et un passage en France à Bordeaux. Et Eidur qui aura marqué encore plus l’Islande, en devenant le premier islandais et actuellement le seul a avoir remporté la Ligue des Champions avec Barcelone. Son long passage à Chelsea (6 ans) aura marqué les esprits, arrivé comme inconnu il s’y est imposé comme un joueur incontournable. Il est le meilleur buteur actuel de la sélection avec 26 buts en 91 sélections.
Vous croyez avoir fini d’entendre parler des Guðjohnsen ? eh bien non !
Car Eiður a 3 fils : Sveinn Aron (Breidablik – 1998), Andri Lucas (Espanyol – 2002), et Daniel Tristan (Barcelone – 2006) et qui auront à coeur de faire mieux que leur père et grand père. Mais Eidur a également un demi-frère (le fils d’Arnor avec sa nouvelle femme), Arnór Borg Gudjohnsen (Swansea – 2000) qui est déjà dans un club étranger à son âge.
– La famille Gundmundsson, représentante du football islandais de génération en génération
Tout commence par Albert Gudmundsson (1923-1994) , le 1er footballeur professionnel et 1er buteur de la sélection, il ne jouera que 6 fois sous le maillot islandais (pour 2 buts). Par la suite, il deviendra président de la KSI durant 5 ans. Désormais décédé, sa statue trône fièrement au sein de la KSI.
Son fils Ingi Björn Albertsson, voit le jour en France en 1952 à Nice durant la carrière pro de son père. Egalement international avec 15 sélections pour 2 buts.
Le fils d’Ingi Björn nommé Albert Brynjar Ingason (né en 1986), est le seul de la famille à ne pas avoir évolué avec la sélection A malgré des sélections en jeunes. Une carrière seulement en Islande mais il aura marqué le championnat par ses bonnes prestations en détenant le record du nombre de buts en 1ère division islandaise.
La fille d’Ingi Björn et sœur d’Albert Ingason, Kristbjörg Helga Ingadóttir, a également choisit le football avec une carrière modeste en Islande mais internationale à 4 reprises avec les féminines.
Le mari de Kristbjörg, Guðmundur Benediktsson, aura lui tenté sa chance en Belgique en plus d’une belle carrière en Islande qui aura été récompensée par 10 sélections pour 2 buts. Désormais commentateur pour la télévision islandaise, il s’est fait remarquer en France pour son cri de joie après le but à la 93e face à l’Autriche à l’Euro 2016 mais également face à l’Angleterre, preuve de son amour pour son pays que les Gudmundsson ont représenté fièrement.
Mais les Gundmundsson n’ont pas fini de représenter fièrement l’Islande à travers les générations, car Kristbjörg et Guðmundur ont un fils nommé Albert Guðmundsson (en hommage à son arrière-grand-père), qui a fait ses débuts professionnels avec le PSV et qui est actuellement le capitaine de la sélection U21 (il a également obtenu sa 1ère sélection avec l’Islande lors de matchs amicaux composé de joueurs du championnat islandais).
– Les 3 frères
En 1963, lors d’un match qualificatif pour les JO de Tokyo face à la Grande-Bretagne, 3 frères sont alignés par l’Islande comme titulaires : Hörður, Bjarni et Gunnar Felixson.
– Heimir, l’homme des cavités
Heimir Hallgrimsson, l’actuel sélectionneur de l’Islande, qui a réussi à qualifier sa sélection au Mondial pour la 1ère fois et avait fait le buzz lors de l’Euro pour être dentiste à temps partiel. Et même après avoir pris les pleins pouvoirs après l’arrêt de Lars Lagerback, il continue de réaliser ses 2 passions : dénicher les trous au sein des défenses adverses et des dents de ses clients. Avant chaque rencontre à domicile, Heimir se rend au pub voir les supporters de la sélection où il leur présente sa tactique et sa composition pour le match, démontrant la proximité qui existe Islande.
– Souvenir du plus grand exploit du football islandais :
Le ballon de la victoire en 8e de finale de l’Islande face à l’Angleterre 2 à 1, fait désormais partie du patrimoine du pays. En effet, Adidas a accepté d’envoyer le ballon de la rencontre pour qu’il soit affiché au musée national d’Islande.
Pour en savoir encore plus sur le sujet nous vous conseillons :
– L’excellent reportage de l’Equipe Explore – l’Islande tout sauf un miracle : https://www.lequipe.fr/explore-video/islande-tout-sauf-un-miracle/
– Le reportage de Vice Sports – The Vikings’ Shocking Euro Run: The Unbelievable Rise of Icelandic Soccer (sous-titres disponible en français) : https://www.youtube.com/watch?v=1M5_WBOCKXs