Lorsque Janne Andersson a pris les rennes de la sélection suédoise, il a constitué son propre staff et s’est accompagné de Daniel Ekvall, psychologue du football avec qui il collaborait déjà à Norrköping. Nous vous proposons aujourd’hui de partir à sa rencontre, à la découverte d’un métier méconnu du grand public mais en grande expansion. Utilisé dans plusieurs clubs d’Allsvenskan mais aussi en Espagne et en Angleterre par exemple, le poste de psychologue du football par l’intermédiaire de Daniel Ekvall sera de la partie à la Coupe du Monde.
(English version below)
Quel a été votre parcours pour devenir psychologue du sport?
J’ai étudié la psychologie du sport à l’Université de Halmstad et j’ai également suivi un cours de CBT (Thérapie Comportementale Cognitive) au GIH, l’école du sport et de la santé suédoise.
J’ai également joué au football et au floorball (discipline dérivée du hockey se jouant en salle, très populaire dans les pays nordiques, NDLR)
Vous travaillez pour l’équipe nationale et pour l’IFK Norrköping. Le travail doit être bien différent entre les deux, est-ce difficile de concilier les deux?
C’est vrai, je travaille également en tant qu’entraîneur de jeunes pour la sélection nationale. Je travaille sur le leadership, l’apprentissage, la psychologie et l’acquisition de compétence dans nos cours.
Désormais, je ne travaille plus beaucoup à Norrköping par manque de temps. La principale différence est qu’en sélection nationale, les joueurs appartiennent à des clubs. Nous ne faisons que les « emprunter », donc je travaille surtout à un niveau collectif, par groupes et très peu de manière individuelle comme je le fais à Norrköping. En sélection nationale, nous avons plutôt des objectifs à court terme.
Vous avez vécu le titre d’Allsvenskan en 2015 avec Janne Andersson. Comment l’avez-vous vécu?
J’ai eu la chance de commencer à travailler l’année où Norrköping a accédé à l’Allsvenskan, en 2010, et j’ai vécu tout le chemin jusqu’au titre en 2015. C’est évidemment une superbe expérience avec de très bons joueurs et de très bons entraîneurs qui ont travaillé dur ensemble.
Vous travaillez également avec des athlètes paralympiques de tennis de table. On dit souvent que ces personnes ont plus de force mentale avec les difficultés auxquelles ils ont été confrontés, est-ce ce que vous observez?
Ils ont une grande force mentale bien sûr, après il reste difficile de dire s’ils sont plus forts mentalement. Les athlètes en général sont plutôt bons pour la concentration, gérer la diversité et sont résistants.
D’un point de vue extérieur, on associe souvent la Suède avec une mentalité Viking. Qu’en pensez-vous?
Je ne sais pas vraiment, je pense que la culture peut à la fois être une bonne chose et parfois être un obstacle au développement. Quand je travaille avec une équipe, je trouve qu’il est important de parler d’actions et d’attitudes concrètes dans le football : comment faire pour que chacun soit le meilleur possible sur le terrain, comment aider ses coéquipiers pour la prochaine action. Tout tourne autour des relations et de la communication.
La Suède a de bons résultats sur tous les plans et font confiance à des psychologues du sport pour chacune de ses équipes nationales. Est-ce une des raisons de ces bons résultats?
Le football est trop complexe pour isoler un seul facteur et l’associer au succès. Le jeu en équipe est primordial tout comme le fait d’avoir des personnes qualifiées qui travaillent ensemble dans le staff. Et bien sûr, il faut de bons joueurs qui suivent les plans de jeu.
Ce sont plusieurs facteurs qui ont un effet sur les matchs. Nous sommes très sérieux et nous souhaitons nous préparer au mieux, travailler dans le plus de domaines possibles et la psychologie du football en est alors une part, une pièce du puzzle.
La qualification à la Coupe du Monde en barrages contre l’Italie est un symbole de la force mentale et collective de la Suède. Comment forger un collectif avec des joueurs qui ne se voient que quelques fois par an en sélection?
D’une part il s’agit d’éducation sur le jeu et sur le fait que la psychologie fait entièrement partie du jeu. Cela signifie que la psychologie joue un rôle dans chaque passe, chaque dribble ou chaque tacle. On travaille beaucoup sur la concentration sur l’action suivante, et sur le fait de mettre le plus de qualité possible dans ses actions. Dans ce contexte, on parle des idées de la psychologie du sport moderne (thérapie comportementale cognitive ou CBT, et thérapie d’acceptation d’engagement, ou ACT) et on implémente ces idées dans le contexte du football.
La concentration sur l’action suivante et comment aider ses coéquipier pour leur prochaine action sont les deux domaines principaux. Nous revoyons également les actions et le comportement des joueurs en vidéo.
Comment un joueur peut-il rester concentré dans une Coupe du Monde avec toute la ferveur des fans et des médias ?
Il faut de la préparation, que des stratégies soient déjà prêtes. Les habitudes établies lors de la qualification doivent être suivies.
Rester positif, mais aussi être préparé à toutes les éventualités.
Et bien sûr il faut savoir gérer la récupération et la fatigue mentale due à la pression, au nombre de matchs important sur peu de temps, aux trajets…
Comment faites-vous le lien entre l’entraîneur et les joueurs? Le coach vous donne-t-il des consignes pour régler les faiblesses de l’équipe?
Lorsque je parle avec l’entraîneur, il n’est pas question de régler les faiblesses de l’équipe, mais plutôt de faire de meilleures performances et de s’améliorer dans chaque domaine.
La communication est très importante, je vois les joueurs et ensuite je peux transmettre ce qui peut être amélioré à l’échelle du groupe à l’entraîneur.
Nous voulons que les joueurs se sentent impliqués et écoutés.
Est-il obligatoire d’avoir un leader dans le groupe pour pousser l’équipe vers le haut?
Nous essayons de faire en sorte que chaque joueur se voit comme un leader en équipe nationale et que chacun puisse donner des retours sur les plans de jeu. Tout le monde contribue au bien de l’équipe.
Mais bien sûr, dans chaque groupe, certains joueurs parlent plus et prennent plus de responsabilités, ce qui est normal.
Quel est le meilleur moyen de forger un groupe soudé? Que pensez-vous du travail de Graham Potter à Östersund? Pensez-vous que ces méthodes pourraient fonctionner dans un championnat plus prestigieux?
En tant qu’entraîneur, il est primordial d’être concret, de mettre ses tactiques offensives et défensives au clair. Ensuite, on peut s’entraîner et essayer de tirer le maximum du groupe. La priorité est le collectif sur le terrain, mais c’est bien sûr un avantage si il y a une cohésion en dehors du terrain et que les joueurs aiment passer du temps ensemble.
De mon point de vue, je pense que Graham a fait du super travail à Östersund et je pense que ses méthodes marcheront également dans d’autres clubs.
Pour finir, comment allez-vous suivre l’équipe avant et pendant la Coupe du Monde? Quel sera votre rôle en Russie?
Je serai toujours avec l’équipe de la préparation à la Coupe du Monde.
Mon rôle sera d’organiser des réunions de l’équipe, de groupes (Daniel Ekvall sépare généralement l’équipe par groupe de positions ou d’âge, NDLR) et j’aiderai les autres membres du staff. Je serai également à la disposition des joueurs s’ils souhaitent me parler de manière individuelle.
What did you do as a study and what is your background?
I have studied sport psychology at Halmstad University, and also studied a CBT (cognitive behavioral therapy) course at GIH – Swedish school of Sport and Health Sciences.
I also have played both football and floorball.
You work both for the Swedish National Team and for IFK Norrköping. What are the differences between working for a club and working for a National Team? Is it hard to reconcile both?
That’s right. I also work as a coach educator at the Swedish FA. I work with leadership, learning, psychology and skill aquisition in our courses.
Nowadays I don’t work so much with IFK Norrköping. Cause I don’t have the time. The difference in the work is that in the National Team the players belongs to clubs, we just “borrow” them, so I mainly work at a group/teamlevel and not so much at an individual level, like in IFK Norrköping. Also it is more of a short-term focus in the National Team.
You’ve lived the Allsvenskan title of 2015 with Janne Andersson. How was it?
I was fortunate to start my work the year when IFK Norrköping managed to qualify to Allsvenskan from Superettan 2010, and all the way to the title at 2015. Of course it has been funny to experience the years in IFK Norrköping, it has been very good players and coaches that have worked hard together.
You also work with Paralympics table-tennis athletes. People usually say that people have more mental strength when they face difficulties like these. Is it what you see there?
They are mentally strong, of course. Hard to say if they are more mentally stronger, elite athletes in general are pretty good at focus, handle diversity, and are resilience.
From outside we often associate Sweden with a Viking mentality: your people never give in. Do you think, through your job and your personal point of view, that it is a part of the Swede culture?
I don’t know actually. I think that “culture” can be both a good thing and sometimes maybe stand in the way for development. When I work with a team I think it is important to talk about concrete football actions and behaviors. How can we act to make each other better on the pitch? How can I help my teammates around me to their next football action? It is about relations, communication, and so forth.
Swedish National Teams are known for their best results and rely on sport psychologists too. Is it one of the reasons of their good performances?
Football is too complex to isolate one thing and correlate that with success. It is about teamwork and a high-performance team of coaches that work together. And also of course players that follow the game-plan and are good players.
It is many factors that have effect in a football game and we are very serious and we want to prepare as good as we can and work hard in so many areas that we can, and there are football psychology one part, one piece of the puzzle.
The qualification to the World Cup in the playoffs against Italy is a great symbol of the mental force and the collective strength of your National Team. What were your methods to improve mental strength and collective play with players who see each other only a few times per year in the National Team?
It is one part education, about football actions and that psychology is a part of every action. Wich means that in every pass, tackle, dribble psychology is one part. So, we talk about focus on the next action and do that action with as high quality as possible. And in that context we talk about ideas from modern sport psychology (CBT and ACT), and implement these ideas into a football context. So, focus on the next action and also how I can help my teammates to their next action are two main areas. We also follow up these actions and behaviors on video.
How can a player stay focused on the competition in the World Cup with all the hype, media and fans?
It is about preparation and have strategies ready. Follow the routines that are established from the qualification.
Stay positive, but also be prepared for whatever will happen.
And of course it is about handle mental fatigue and recovery because of pressure, many matches in a short period of time, travelling and so forth.
How do you do the link between the coach and the players? Does the coach give you instructions to fix the team weaknesses? Should everything be told back to the coach?
No. the coach does not talk about fixing team weaknesses. It is more about performing better, how can we go from good to great in everything we do.
It is a lot about communication, I have meetings with the players, and then I can tell the coaches at a group-level what the players think can be better and so forth.
We want the players to be involved, feel relatedness and feel that they are listened to.
Is it mandatory to have a leader in the group to take the best of the team?
We try to achieve that every player see them selfes as leaders in the national team. That everyone can give feedback and support about the game plan. Everyone contributes to the team.
But of course, in every group some players talk more, and taker more responsibility, which is natural.
What is the best way to create a tight-knit group? What do you think of Graham Potter’s work at Östersund? Do you think his method could work in a team in a bigger league?
The most important thing is to be concrete and clear as a coach. What are your tactics in offense and defense. Then you can practice, and talk about how we as a group of players should perform together. This is the best team-training method. Practice, reflect, give feedback to each other. The priority is the team cohesion on the pitch, but of course it is an advantage if the players also have a high social cohesion, and enjoy spending time together.
From my perspective I think Graham has done a great work with Östersund and I think his methods will work in other places as well.
Finally, how will you follow the team before and during the World Cup? What will be your role in Russia?
I will be with the team all the way. From precamp and during the World Cup. Group-meetings, team-meetings and individual contact for those who want that. And support the coach-team.
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