Passer de la 4e division à l’élite du football suédois en l’espace de seulement 6 saisons -de 2011 à 2016- l’Östersund FK de Graham Potter pourtant tributaire d’un maigre passé historique, a rapidement bâti son histoire sur le plan national, avec comme point d’orgue, une qualification historique pour la Ligue Europa en 2017.
Mais toutes les belles choses ont une fin dirons-nous. Passé de la 5e place à celle de lanterne rouge en seulement 3 ans, le club le plus au Nord du pays a vu sa relégation en Superettan (2e division) actée ce week-end après une lourde défaite contre Varbergs BoIS (0-3). Mais alors comment ce club est-il passé de la belle histoire à l’Icare du football suédois ? C’est ce que nous allons tenter de voir ensemble au travers de ces lignes.
Du monde amateur à l’antichambre de l’élite du football suédois,
Commençons par remonter à l’origine de cette histoire, nous sommes en 2010 et l’ÖFK évolue en 4e division suédoise, dans l’amateurisme le plus total. Daniel Kindberg, président du club et ancien joueur professionnel notamment passé par Fulham, fait la connaissance d’un ancien joueur fraîchement retraité, Graham Potter. Cet ancien joueur qui a fait l’essentiel de sa carrière dans les divisions inférieures d’Angleterre, s’est tourné vers le coaching à la fin de sa carrière de joueur et est diplômé en sciences sociales en ayant obtenu un master en leadership et intelligence émotionnelle alors qu’il entraînait à la faculté d’Hull. Kindberg, qui nourrit de vives ambitions, voit en Potter les qualités qu’il recherche pour entraîner Östersund. Les deux parties s’entendent et Potter prend donc les rênes de l’équipe Suédoise en 2011. Si l’équipe dirigée par Potter est promue en Ettan Norra (la 3e division suédoise) à l’issue de l’exercice 2011 en pratiquant un football séduisant, en Suède beaucoup rigolent des déclarations du président de l’ÖFK, ce dernier annonçant que «l’objectif du club est de se qualifier pour la Ligue des Champions dans peu de temps». Or, le club est alors fraîchement promu en 3e division, et ne réunit à domicile que 500 supporters… En bref, la Ligue des Champions est encore très lointaine.
Mais, peut-être que les ambitions de leur extravagant président peuvent se réaliser plus vite que le peuple suédois puisse l’imaginer. Car la saison suivante, l’ÖFK est promu pour la première fois de sa jeune histoire en Superettan, la deuxième division suédoise. Si le club ne connaît pas une 3e promotion en autant d’années, terminant à une respectable 10e place, Graham Potter a apposé sa patte singulière sur son effectif. À Östersund, les techniques de management du technicien anglais, apprises sur les bancs des facultés, se font ressentir dans l’environnement de travail du club. Au-delà des entraînements, c’est sur le plan mental que l’ÖFK puise sa force, car Potter a bien compris que si les joueurs se sentent bien dans leur environnement de travail, alors cela se ressentira sur leurs résultats. Mais il a aussi et surtout conditionné ses hommes à ne jamais lâcher, qu’importe le résultat et ne surtout pas cesser d’imposer leur football.
quand l’histoire est en marche,
Après avoir terminé dans le ventre mou de la Superettan pour leur première saison dans les premières strates du football suédois, l’ÖFK continue encore et toujours d’écrire son histoire et de donner du prestige à son blason pourtant si jeune. En constante progression et prenant la température du monde professionnel, Östersund termine 5e pour leur deuxième saison en deuxième division avant de marquer au fer rouge une nouvelle fois leur passeport footballistique en obtenant son ticket pour l’élite du football suédois, l’Allsvenskan la saison suivante.
Le club fêtera donc ses 20 ans (1996-2016) au plus haut niveau national. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont rien d’un club ascenseur. Toujours en pratiquant son football séduisant -comme peut l’être Lens en France- le promu termine à une belle 8e place pour sa première saison en Allsvenskan. Est-ce qu’être un Potter c’est être un magicien ? Toujours avec un effectif modeste, mais bien modelé et motivé par tout un peuple qui se prend de passion pour l’épopée de l’ÖFK, les hommes de Graham Potter réalisent une saison remarquable. Devant une Jämtkraft Arena pleine à craquer, les rouge et noir terminent à une probante 5e place, mais ils font aussi et surtout leur histoire puisque cette saison les voit être vainqueurs de la Coupe de Suède, les qualifiant ainsi pour les qualifications de Ligue Europa.
La ville d’Östersund se place cette année sur la carte médiatique pour autre chose que les sports d’hiver. Réalisant l’exploit de se qualifier pour les phases de poules, les rouge et noir héritent d’une poule composée de l’Athletic Bilbao, de l’Herta Berlin et du Zorya Louhansk, de gros morceaux donc, mais rien qui n’éffrait la ferveur de toute la ville d’Östersund et des hommes de Potter. Ne s’inclinant qu’une seule fois sur les 6 journées, l’ÖFK réalise l’exploit et se qualifie pour les 16e de finale de la compétition, héritant ainsi d’Arsenal.
Bien que les Gunners se soient imposés 0-3 en terres suédoises, les rouge et noir quittent la compétition la tête haute, puisqu’ils vont s’imposer à l’Emirates Stadium (1-2). Si les joueurs d’Östersund ont créé la surprise en se frayant un chemin jusqu’aux 16es de finale de la Ligue Europa, il sera tout aussi difficile pour eux de rééditer l’exploit, voire même, de répondre aux attentes grandissantes autour d’eux.
le mythe d’Icare n’est jamais loin.
À l’aube de l’exercice 2018-2019, les attentes sont toujours plus grandissantes autour de l’ÖFK, qui continue de nourrir des ambitions toujours plus grandes, comme le disait le président Kindberg «l’objectif du club est de se qualifier pour la Ligue des Champions dans peu de temps». Mais Östersund doit faire face à un défi de grande ampleur : pallier au départ de Graham Potter, débauché par Swansea. Après 8 années passées sur le banc du club professionnel le plus au Nord de Suède, il est temps pour le magicien d’Östersund de retourner sur ses terres natales. Et, dans ce genre de petits clubs, chaque changement majeur comme celui-ci peut ébranler le club et influer sur les résultats sportifs. Dans le rôle de pompier qui a pour mission d’éviter à la maison ÖFK de prendre feu, c’est l’anglais Ian Burchnall qui est choisi. Après une première saison convaincante et une sixième place, ils connaissent l’année d’après une saison catastrophique. Les rouge et noir arrivent à se maintenir en Allsvenskan, finissant l’exercice 2018-19 à une maigre 12e place, à seulement 2 petits points de la relégation.
Mais, cela n’est que le début des problèmes pour le club qui deviendra l’Icare du football suédois. Bien que le maintien sportif soit acquis, le club désormais entraîné par le Suédois, Amir Azrafshan doit trouver les ressources nécessaires pour obtenir son maintien administratif. Car l’extravagant propriétaire de l’ÖFK, Daniel Kindberg est condamné à 3 ans de prison pour blanchiment d’argent… Un coup dur pour le club qui connaît déjà un départ de feu sur les ailes de son blason. 3 semaines après cet épisode judiciaire, le club est relégué administrativement en Superettan. Bien qu’ils arrivent à trouver les fonds nécessaires pour repousser l’échéance, l’équipe est décimée, et doit une nouvelle fois se sauver à l’extrême limite de la relégation.
Vient alors l’exercice 2020-21, celui qui prendra fin dans moins d’un mois, symbole de ce club qui s’est vu trop beau trop vite, et qui, faute d’une gestion catastrophique du club, est devenu un véritable mythe d’Icare du football Suédois. L’Östersund de Per Joar Hansen est lanterne rouge d’Allsvenskan et a vu sa relégation actée après une lourde défaite à domicile contre Varberg BOIS (0-3). Avec seulement 3 victoires en 26 matchs joués et un bilan comptable de 14 points, l’échéance est arrivée pour l’ÖFK qui devra donc désormais retourner en Superettan, loin du feu des projecteurs de la Ligue des Champions qu’évoquait Kindberg 5 ans auparavant.
Bien que la chute brutale de performance du club soit en partie sur le plan sportif, cet échec prend racine dans une gestion catastrophique du club, car si les premières syllabes de son nom suggèrent qu’il est un homme doux, Daniel Kindberg n’en est pas un avec les finances du club, déjà surendetté. Si le club aurait dû pouvoir imiter Malmö et bénéficier de ressources monétaires plus importantes grâce à leur qualification en Europa League, l’ÖFK s’est retrouvé avec des dettes de plus de 15 millions de couronnes suédoises et condamné à décimer chaque saison un peu plus son modeste effectif pour assurer son ticket dans l’élite du football local.
Depuis la condamnation de ce dernier, une grande partie du football suédois doute de la légitimité des montées successives du club. Kindberg qui s’était autrefois décrit comme un progressiste limite anarchiste, prêt à tout pour diriger son club vers les sommets aurait usé de corruption pour permettre au club de la paisible ville d’Östersund de connaître les plus hautes strates du football scandinave. Bien que cela n’ait à l’heure actuelle jamais été prouvé, l’ombre de l’ancien président derrière les barreaux a entaché à jamais l’image du club et participé à faire de ce dernier l’Icare du football suédois. Si l’histoire fût digne d’un conte de fée pour Potter et ses hommes, le retour sur terre fut plus que brutal. Espérons pour Östersund qu’ils retrouveront de leur superbe dans l’échelon inférieur et tirerons les leçons de leur passé pour construire une base saine sur laquelle continuer d’écrire leur histoire.
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