Après une nouvelle saison de domination domestique et d’exposition européenne, l’enfant de Bodø, Patrick Berg, prend enfin son envol après avoir marqué l’histoire de son club comme avaient su le faire plusieurs membres de sa famille auparavant. 2 championnats consécutifs historiques, un rôle de capitanat, une belle expérience européenne et un titre de meilleur joueur du championnat pour boucler la boucle à Bodø/Glimt.
Pour poursuivre sa progression, il vient de s’engager au RC Lens avec un contrat jusqu’en 2026 et pour un montant estimé à 4,5M€, où il devient le premier norvégien de l’histoire du club nordiste. Présentation du parcours puis analyse du style de jeu du milieu défensif international norvégien de vingt-quatre ans, qui a tout pour confirmer en Ligue 1 dans un club qui semble lui correspondre parfaitement.
Bodø/Glimt dans la peau, un héritage footballistique familial, avec son lot de pression
Patrick Berg est né le 24 novembre 1997 à Bodø, situé au-dessus du cercle polaire arctique. La terre d’accueil de ses aïeux, où le football y a souvent été délaissé, la faute aux manques d’installations et aux instances. Cela n’a pas empêché cette famille d’être sans doute celle qui a le plus marqué le football norvégien dans son histoire avec les familles Flo, Iversen, Haaland,… Tout aura commencé en 1958 avec Harald Berg, aujourd’hui âgé de 80 ans, son grand-père, qui évoluait alors au sein du championnat de Norvège du Nord et qui est devenu l’un des plus grands joueurs du pays avec 43 sélections pour 12 buts. Ses 3 fils Ørjan, père de Patrick, Runar et Arild découvrirent eux la ligue norvégienne dans les années 80/90 et 2000. Tous ont été milieu de terrain avec des rôles différentes, tous sont devenus des héros footballistiques de la ville de Bodø et tous sauf Arild sont devenus internationaux.
Patrick est lui devenu le troisième footballeur professionnel de sa génération et a inscrit le nom Berg au sein du football norvégien pour une huitième décennie consécutive. Des gènes incroyables, mais qui ont entrainé une forte pression pour conserver la renommée du nom Berg avec beaucoup d’espoirs placés en lui lors de ses débuts en 2014 à seulement 16 ans et demi dans l’élite norvégienne. Des questions et comparaisons constantes sur sa famille en zone de presse et sur les réseaux sociaux, avec un potentiel certain qui demandait confirmation et qui auront entrainé de l’impatience des autres et des pensées négatives et de doutes pour lui, en se demandant ce qu’il se passerait s’il ne réussissait pas comme il le déclarera plus tard.
Un préparateur mental et de la méditation pour confirmer son potentiel
Et justement Patrick Berg eu du mal à confirmer son potentiel malgré une technique, une sérénité et une compréhension du jeu bien au-dessus de la moyenne qui en auront fait un membre important des sélections jeunes. De la même génération que Jens Petter Hauge, son grand ami, les deux auront tardé à avoir pleinement du temps de jeu et à se montrer performants en matchs. Sans doute trop de pression sur les épaules, cela ne fonctionnait pas et les faisaient sous-performer. Même lors de la relégation du club en D2 en 2017, ils n’auront pas eu beaucoup de temps de jeu. Patrick était d’ailleurs sur le point de quitter le club en 2018 en fin de contrat et l’avait même annoncé à la presse, ce qui avait entrainé une réaction publique de son ami Hauge.
« J’ai atteint un âge où j’ai besoin de plus de temps de jeu pour obtenir le développement souhaité. Dans l’état actuel des choses à Glimt, il ne semble pas que je dispose de suffisamment de temps de jeu. Je pense que la bonne chose pour moi est d’aller dans un endroit où je me sens investi et où je prends confiance. » – Patrick Berg à an.no.
L’histoire aurait donc pu être pu être tout autre. Heureusement, Patrick a su se retrouver et a finalement prolongé son contrat en octobre 2018. En grande partie grâce à l’arrivée d’un préparateur mental au club, Björn Mannsverk, qui lui a redonné confiance grâce à des réunions de groupe et des séances individuelles sur des techniques d’amélioration de performances et de développement où il s’est ouvert, mais également des séances de méditation avant les entraînements. Depuis lors, le milieu norvégien est devenu un joueur avec une grande confiance en lui, avec un excellent mental accompagné d’un très bon état d’esprit inspirant les autres.
« Nous sommes vraiment, vraiment précis sur ce que devrait être notre objectif. Et quand vous avez cette concentration, vous ne pensez pas aux conséquences et à ce qui pourrait arriver. En fait, vous vous concentrez sur vos tâches en tant que joueur de football – et cela personnellement pour moi enlève une grande partie de la pression qui vient de l’extérieur. » – Patrick Berg en interview pour FootMob.
« Bjørn Mannsverk est venu ici en 2017. S’il était venu en 2018, Patrick ne serait pas là maintenant. » – Kjetil Knutsen, son entraineur à Bodø.
Depuis, sa carrière n’a été que dans un sens et le joueur a connu une grande évolution, parfaitement managé par Kjetil Knutsen, devenu l’entraîneur principal. À partir de la saison 2019, il prit un tout nouveau statut dans l’équipe comme titulaire indiscutable au cœur du jeu. Cela coïncida avec le début des bons résultats du club avec une belle 2nde place alors que les médias annonçaient le club se battre pour éviter la relégation. Puis la saison suivante, il prit le brassard de capitaine à seulement 22 ans et participa à la saison record du club en termes de buts (103), de points (81) et de victoires (26) en 30 journées, avec le premier titre de champion du club, devenant le club le plus au nord à remporter une première division européenne.
2021, la saison qui surpassa encore toutes les attentes à titre personnel et collectif
Quelques jours après la relégation, en 2016, Patrick Berg avait annoncé que son rêve était de jouer la Ligue des champions avec Bodø. Ce rêve se sera réalisé 5 ans après, en tant qu’acteur principal, en disputant le 1er tour préliminaire face au Legia Varsovie, même s’ils se seront faits éliminés et reversés en Conference League. Compétition dans laquelle il a brillé participant à la qualification historique en groupe en passant 3 tours et en terminant 2nd juste derrière l’AS Roma, contre qui il a livré deux performances de grande classe lors de la victoire 6-1 et du nul 2-2 à l’Olimpico.
Une saison ponctuée à nouveau par un titre de champion, pour le back-to-back, malgré les nombreux départs et les inquiétudes de voir le club avoir du mal à jouer le podium, Patrick Berg a emmené les siens confirmer leur nouveau statut de domination au pays. Cela lui a valu d’être nommé meilleur joueur du championnat et où il a enfin pu célébrer le titre avec les siens le soir même après avoir loupé celui de 2020 pour isolement Covid. Cette année 2021, a aussi marqué pour lui ses débuts en sélection A, le 25 mars face à Gibraltar. Cela a inscrit un peu plus le nom Berg dans l’histoire, puisqu’il s’agit de la première fois que des joueurs de trois générations d’une même famille jouaient pour la sélection nationale norvégienne. Désormais à 9 caps, il a su rapidement être déterminant et gagner sa place de titulaire avec de bonnes prestations. Une juste récompense alors qu’il n’avait plus porté le maillot norvégien depuis février 2016 en U19 après avoir joué avec les U16/U17 et U18, en n’ayant pas eu l’opportunité d’évoluer avec les Espoirs qui coïncidait avec ses années de doublure en club.
Et pour couronner cette belle année remplie, la signature officielle au Racing Club de Lens en Ligue 1, un départ inévitable tant il sur dominait dans son équipe et en Norvège. Une arrivée rendue possible malgré la forte concurrence d’après les médias surtout du Celtic et de l’Ajax, grâce à un grand travail sur plusieurs mois de la cellule et du directeur sportif Florent Ghisolfi, qui a su convaincre Berg de porter le maillot sang et or pour sa première expérience à l’étranger hors de Bodø. Un montant de 4,5M€ avec bonus a été déboursé pour s’attacher ses services, à un an de la fin de son contrat, ce qui le place dans les 10 plus grosses ventes de l’histoire du championnat norvégien.
Un choix du RC Lens qui semble tout à fait compatible à son style et à son état d’esprit pour continuer à s’épanouir et progresser. En effet, le club lensois est connu pour être aussi un club familial, avec une super ambiance et une grande communauté de supporters qui devraient le mettre directement en confiance. Avec également un très bon coach Franck Haise qui comme on le voit sur la vidéo des coulisses de son arrivée était très heureux de son arrivée pour renforcer encore plus son entrejeu avec Seko Fofana et Cheick Doucouré.
Dans le style de jeu, il ne devrait pas être dépaysé au sein d’une équipe aussi à vocation offensive donnant une grande intensité dans son jeu et effectuant un grand pressing où dans le 3-4-3 avec des pistons très actifs, il aura beaucoup d’espaces centraux à couvrir et où il pourra utiliser au mieux ses qualités de placements défensifs. Un aspect défensif qui devrait être très utile à Lens qui a pu se montrer vulnérable dans ce domaine. Patrick Berg devient donc le premier norvégien du club, même si le club s’est déjà fourni au sein du championnat domestique avec plus ou moins de réussite avec Patrick Olsen et Dusan Cvetinovic d’Haugesund en 2015 et Alex Gersbach en 2018 en prêt de Rosenborg qui étaient aussi arrivés de Norvège mais qui n’avaient pas le même statut au pays.
« C’est un garçon local avec un arbre généalogique spécial, issu d’une famille merveilleusement belle et terre-à-terre. Avoir un tel joueur dans l’équipe, avec cette personnalité, est incroyable. Et quel voyage il a fait ! C’est fantastique de faire partie de son développement et une petite partie de sa carrière. » – Kjetil Knutsen pour TV2.
Les caractéristiques et le style de jeu de Patrick Berg
Patrick Berg est décrit comme quelqu’un de passionné qui se donne à fond dans ce qu’il fait avec toujours un super état d’esprit. En plus du football, il s’est pris de passion également pour la pêche, une activité qu’il a aussi héritée de sa famille et notamment de son grand père Harald. Il avait d’ailleurs lancé une chaine Youtube de ses plus belles prises et cela promet une belle complicité en dehors des terrains avec Jonathan Clauss, lui aussi grand amateur de pêche qui risque de lui donner les meilleurs spots.
« Patrick est un joueur de football extraordinaire. Classe mondiale. Le genre de joueur qui rend les choses difficiles faciles dans le jeu. Il dicte le rythme du jeu. C’est incroyable de voir son développement constant tout au long de sa carrière. Saison après saison visant à atteindre son plein potentiel. En tant qu’ami, je suis très heureux pour lui. Je n’ai jamais eu un doute sur lui. Il le sait. »
« Issu d’une famille légendaire du football en Norvège, il y avait bien sûr d’énormes attentes à son égard, probablement de lui-même principalement, alors… le voir faire face à ce genre de pression et construire son propre chemin par ses propres efforts, c’est impressionnant et incroyable. Patrick Berg est un nom qui sera de plus en plus connu dans le monde du football. » – Ricardo Friedrich, gardien brésilien de Kalmar, son coéquipier à Bodö de 2017 à 2020.
À Bodø/Glimt, Berg évoluait dans le système 4-3-3/4-1-4-1 de Knutsen du haut de son numéro 7 comme pointe basse dans un milieu à 3 avec le brassard de capitaine autour du bras gauche. Dans une équipe basée sur la possession à esprit offensive, il était l’homme clé à la progression du ballon en étant le relai entre la défense et l’attaque. Avec son gros volume de jeu, il contrôle et domine très souvent les rencontres que cela soit à la récupération, à la relance et à l’orientation et donne le tempo en et hors possession. En résumé, il est un régulateur et organisateur qui touche énormément de ballons et qui est très recherché par ses coéquipiers et notamment par les défenseurs centraux.
En possession du ballon, tout comme dans les phases de transition, le norvégien reste quelqu’un de calme et élégant, qui prend des décisions rapides avec de nombreuses passes à une ou deux touches d’une belle précision (88% en moyenne – 57/match) en étant capable de trouver de très bons angles. Il essaye constamment de faire progresser le ballon en le jouant au maximum dans la moitié de terrain adverse et si possible dans le dernier tiers. Cela passe aussi par son très bon jeu long en cas de pression adverse ou de bons appels de ses coéquipiers, en étant capable de casser les lignes pour trouver très souvent sur les côtés ses arrières latéraux et ailiers.
Très à l’aise techniquement avec une bonne première touche de balle, Patrick Berg montre aussi les qualités de son pied droit en tirant très souvent les coups de pied arrêtés de son équipe. L’une de ses grandes forces également et qu’il n’a pas de pied faible en pouvant également distribuer de très bons ballons du pied gauche lorsque la situation l’oblige. Étant toujours en mouvement, il est très difficile à marquer notamment grâce à son agilité qui lui permet de se détacher facilement d’un pressing dans des espaces restreints.
Au niveau défensif, Patrick Berg compense sa taille moyenne et son centre de gravité bas, par une bonne force physique notamment du haut du corps et une ténacité qui lui donne une facilité pour bouger ses adversaires et être là à la récupération et aux interceptions. S’il est habile pour passer le ballon, il l’est donc aussi pour le gagner en couvrant le terrain à la fois horizontalement et verticalement. Bodø/Glimt défend souvent haut sur le terrain, avec un bon sens du placement, une forte intensité de pressing, il va chercher le ballon dans les pieds avec un bon taux de réussite de tacle (60% de réussite – environ 3 par match) pour stopper les transitions adverses. Il commet peu d’erreurs avec un bon sang-froid, lui qui n’a pour l’instant jamais pris de carton rouge de sa carrière professionnelle. Son positionnement défensif sur les centres adverses est généralement très bon, placé au niveau du point de pénalty au marquage, lui qui n’a pas un gros jeu de tête.
Il y a clairement peu de faiblesses dans le jeu de Patrick Berg, en tout cas peu qui se faisaient ressentir face à l’opposition en Eliteserien. Et même lors des oppositions européennes, il a brillé notamment lors des plus grosses affiches face à l’AC Milan et par deux fois face à l’AS Roma. Néanmoins, on peut lui trouver des axes de progression, comme au niveau des percées balle au pied ce qui l’empêche aussi de jouer plus haut sur le terrain. Avec une vitesse de pointe moyenne, il n’est pas le bon joueur pour créer ses opportunités en avançant avec le ballon sur longue distance, il créer ses opportunités par les passes et ne doit donc pas être tant isolé au milieu. Il n’est donc pas le plus athlétique, mais grâce à son intelligence et sa vision de jeu, il comble parfaitement cela.
Avec son gabarit d’1m78, il évite au maximum les duels aériens où il n’excelle pas dans ce domaine, la plupart de ses duels sont donc physiques ou au sol. Son autre point d’amélioration est ses tirs à longues distances à 20-30 mètres avec un faible taux de réussite. C’est un petit plaisir personnel, notamment à cause des absences de marque au sein du championnat norvégien, notamment après un coup de pied arrêté. Mais sa technique de tir n’est pas parfaite en manquant de puissance et de précision, cela a déjà pu rentrer mais au final cela fait plus perdre des opportunités à son équipe. En Ligue 1 à Lens, il devrait avoir moins de temps et d’espace pour tirer avec un meilleur pressing adverse, ce qui devrait limiter ses positions de tir. Des lacunes qui ne ressortaient pas vraiment dans un milieu à 3, à voir dans le milieu à 2 sans doute aux côtés de Seko Fofana qui pourrait donner une belle complémentarité.
Patrick Berg part comme une légende de Bodø/Glimt. Tout comme son père, son grand-père et ses oncles avaient su le faire. Il est le symbole de la nouvelle stature de l’équipe norvégienne aujourd’hui et de l’importance de l’aspect mental dans le sport de haut niveau. Reste pour lui à confirmer à l’étranger, dans un autre club à plus haut niveau avec les Sang et Or en Ligue 1 pour stabiliser sa place de titulaire en sélection. Un club qui a tout pour lui convenir et lui apporter ce qu’il souhaite, toutes les parties doivent être gagnantes dans ce transfert et on a donc hâte de voir Patrick sous le maillot Lensois.