Kampala, plus grande ville et capitale d’Ouganda, située sur les rives du lac Victoria, a vu naitre le 4 février 1995, un des joueurs les plus atypiques que la sélection danoise aura compté dans ses rangs.
À 23 ans, il dispute sa première Coupe du monde. Ailier droit de talent, il est extrêmement imprévisible sur un terrain, essayant inlassablement d’inventer de nouveaux dribles et n’hésitant pas à tirer dans des positions délicates.
Mais son histoire, des routes du Soudan du Sud au Celta Vigo en passant par des matchs à Old Trafford, celle-la même qui nous apparait aujourd’hui comme fantastique, est loin d’avoir été un conte de fées.
La fuite comme seul échappatoire
1983, la seconde guerre d’indépendance du Soudan du Sud éclate et ne se terminera qu’en 2005. Les parents de Pione fuient le conflit en 1994 avec leurs deux premiers enfants et se réfugient dans un pays frontalier, l’Ouganda. Quelques mois après nait Pione et dans la foulée, la famille entreprend un long voyage vers l’Europe et plus précisément les pays du nord. Même si de nombreux réfugiés du conflit soudanais choisissent de rester en Afrique ou dans les pays du Golfe, les parents de Pione tentent le tout pour le tout afin d’offrir le meilleur futur à leurs enfants. Leur périple prend fin à Hoejslev Stationsby, un petit village retiré de 2600 habitants, dans la région du Midden-Jutland à l’est de Skive, où ils resteront quelques temps. Ils partent ensuite s’installer à Herning à 50km au sud et Pione à l’âge de 7 ans fera ses premières gammes dans un petit club local, le Tjørring IF. Dans une interview de 2014, son frère Angelo décrivait ce que ressentait la fratrie de 9 frères : « Au Soudan du Sud, nos parents vivaient dans une petite ferme, mais quand ils ont emménagé au Danemark, le changement fut considérable. Si ici, les anciennes générations ont beaucoup œuvré pour nous offrir la meilleure vie possible, au Soudan du Sud ou en Ouganda, vous êtes livrés à vous-mêmes. C’est pourquoi nos parents sont protecteurs et nous guident pour qu’on puisse donner le meilleur ».
Tjørring IF : les débuts (2002-2010)
Dans cet environnement familial sécurisant et ce nouvel avenir qui s’offrait à lui, Pione a rapidement démontré des qualités footballistiques hors-normes pour son âge. Arrivé en 2002 au club de Tjørring IF (4e division danoise), il est rapidement suivi par l’un des plus grands clubs danois : le FC Midtjylland, basé lui aussi à Herning. Mais loin de se laisser perturber, Pione a continué à s’entraîner dur. Souvent plus que d’autres, peut-être parce qu’il savait que de là où il venait rien n’était acquis, ou simplement parce qu’il aimait jouer au football. Certainement les deux.
TFC Midtjylland : l’éclosion (2010-2016)
En 2010, le FC Midtjylland va le contacter pour intégrer son équipe de jeunes. Alors que le Celtic et West Ham avaient également des vues sur lui, il va choisir, certainement bien conseillé, le club de sa ville. Et il aura bien fait. En effet, il va y rencontrer Glen Riddersholm, ancien entraineur des U17 danois et coach-adjoint à Midtjylland qui va le couver et lui permettre d’exploiter tout son potentiel. Quand Riddersholm va prendre la place d’Allan Kuhn en 2011 à la tête de l’équipe première, il va entrainer peu à peu Pione dans son sillage. Le laissant au début loin des projecteurs, le talent du jeune joueur va obliger Riddersholm à l’utiliser. Lors de la saison 2012/2013, Sisto va connaître ses premières minutes en Superliga (la première division danoise). Ses qualités vont en faire un joueur incontournable de l’effectif la saison suivante, à 19 ans à peine avec 6 buts en 27 matchs.
La saison 2014/15, il va connaître ses premières joutes européennes avec un tour préliminaire perdu contre le Panathinaikos. Malgré un claquage qui le tiendra éloigné des terrains pendant de nombreuses semaines, il améliore ses statistiques avec 8 buts en 22 matchs de championnat.
Saison 2015-2016 : la révélation européenne
Après avoir été reversé dans les poules d’Europa League, suite à une élimination en tour préliminaire de Ligue des Champions, Midtjylland se trouve confronté à trois très bons clubs : Naples, Bruges et le Legia Varsovie. Le club termine deuxième de sa poule et rencontre le grand Manchester United au premier tour à élimination directe. Ils vont créer une sensation en battant les Reds au match aller 2-1 avec un but superbe de Sisto.
Le match retour aurait pu tourner en leur faveur s’ils ne s’étaient pas écroulés en fin de match : 1-1 à la mi-temps (but de Sisto) mais 5-1 à la fin des 90 minutes. Si ce fut une belle épopée pour le club, Pione Sisto, âgé de 21 ans, s’est révélé aux yeux de l’Europe entière. Sa technique, sa vitesse, sa vista en faisant l’un des meilleurs ailiers droits du moment.
Sélection danoise : le parcours du combattant
La sélection nationale, elle, n’a pas attendu ce beau parcours pour avoir des vues sur le joueur. Problème : s’il avait un permis de travail pour jouer au Danemark, Sisto ne possédait pas la nationalité. En décembre 2014, la Fédération dépose une demande au tribunal. Inclus dans une liste de 1 607 migrants qui, pour diverses raisons pouvaient obtenir la citoyenneté rapidement, il finit par être naturalisé début 2015. En mai, il reçoit l’autorisation de la FIFA pour jouer avec l’équipe du Danemark.
Ses parents, très fiers à la fois de leurs racines et de la réussite de leur fils, ont organisé une danse africaine traditionnelle pour célébrer le premier appel de l’équipe nationale espoirs, déclarant dans le même temps : « Nous voulons unir le passé, la terre de nos ancêtres à l’avenir, la terre danoise. » Des sourires qui font plaisir à voir tant le chemin parcouru fut long et semé d’embuches.
Glen Riddersholm a déclaré à propos de ces premières sélections : « Ce ne fut pas une grande surprise. Nous avons là un joueur extraordinaire. Pione est très technique, ce que l’on voit peu dans le football danois. Puis il a évolué d’individualiste à acteur collectif, il est devenu un joueur sur qui on peut compter ».
Celta Vigo (2016-…) :
Ce qui devait arriver, arriva. La crainte de tout club scandinave, mais en même temps un besoin vital pour les joueurs les plus prometteurs : l’appel des grands championnats. Si plusieurs clubs se sont positionnés après son beau parcours en coupe d’Europe (Arsenal, Roma, Ajax…), c’est le Celta Vigo qui a remporté la mise (6M€). Un choix qui peut paraître étrange tant le club de la ville galicienne n’est pas aussi renommé que d’autres mais Sisto a une idée en tête : jouer. Si dans d’autres clubs plus réputés il aurait certainement été cantonné au rôle de remplaçant pendant de longs mois, à Vigo il est titulaire d’entrée. Et surtout le Celta a une qualité qui plait à Pione : ils sont européens. Cette première saison se déroule en demi-teinte car après leur 6e place en Liga la saison précédente, le Celta finit 13e de l’édition 2016-2017. Mais dans le même temps, ils réalisent un parcours éblouissant en Europa Ligue se faisant éliminer en demi-finale par Manchester United. Pione Sisto terminera la saison avec (toutes compétitions confondues) 56 matchs et 12 buts !
Cette saison, pas de coupe d’Europe, une nouvelle 13e place en championnat mais de belles performances de Pione avec la sélection puisqu’ils se qualifient pour la coupe du monde éliminant brillamment l’Irlande en barrages.
L’avenir de Pione Sisto
À seulement 23 ans, il est la valeur montante du football danois. Bien entouré par les expérimentés Erikssen, Kjaer, Jörgensen on espère le voir briller durant cette Coupe du Monde et en particulier le 26 juin contre l’équipe de France.
Son avenir quant à lui sera bien évidemment déterminé par les résultats de la sélection danoise. S’il n’a pas évoqué son désir de partir de Vigo, il pourra susciter l’envie d’autres clubs suivant ses performances et celles de son équipe.
En attendant la suite de la Coupe du Monde notamment la confrontation face à la France voici ce qui vous attend :
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