Une météorite arrive dans la rubrique rétro de Nordisk. Et cette météorite s’appelle Tomas Brolin. Premier match pro à 14 ans, un transfert en Serie A à 20 ans, une brillante Coupe du Monde 94 à 24 ans. Puis beaucoup de blessures et une retraite à 28 ans. Voici en résumé la carrière de Brolin. Un énorme talent mais malheureusement trop éphémère.
Tomas Brolin apparaît dans le paysage du football suédois, européen et mondial telle une comète. Une comète à la trajectoire rapide. Trop rapide. L’ascension mal maitrisée se termine par un atterrissage douloureux et précoce. Mais Brolin a quand même eu le temps de démontrer ses immenses qualités de footballeur. Notamment avec sa sélection nationale lors de la World Cup 1994. Retour sur la carrière fulgurante d’un énorme talent scandinave.
Record de précocité
Le petit Tomas voit le jour fin novembre 1969 dans la commune de Hudiksvall. Située au centre du pays, et au bord du golfe de Botnie, cette commune est la plus grande zone urbaine du Hälsingland. Dès 1975, il rejoint le Näsvikens IK, localisé dans l’agglomération de sa ville natale. Mais il se teste aussi au ski, au tennis de table ou au hockey. Après neuf années à l’école de football, le talent précoce du jeune adolescent (14 ans) le pousse dans l’équipe première de son club formateur.
« Tomas avait un tempérament chaud. Quand il n’était pas autorisé (pour le préserver) à jouer, cela pouvait entraîner des accès de colère. » – Leif Danielsson, son premier entraîneur à Näsviken.
Un record à l’époque. Même pour une formation évoluant en quatrième division suédoise. Et malgré son âge, il en profite pour aligner de bonnes prestations avec dix buts lors de ses trente-six apparitions en deux ans. Alerté par les bonnes performances de ce garçon très doué avec un ballon, le GIF Sundsvall, 90 kilomètres plus au nord de Näsviken, obtient la signature de Brolin.
Pour l’attirer dans ses filets, sa nouvelle écurie lui offre la possibilité de continuer ses études en parallèle du football. En dépit de sa précocité, le jeune homme garde la tête sur les épaules. Dirigée par Anders Grönhagen, ancien international suédois dans les 70’s, Sundsvall bénéficie de l’apport offensif de sa nouvelle recrue au visage d’ange. Tomas Brolin va vite se faire un nom à l’échelon national.
La Allsvenskan, trop petite pour Brolin
Promu en Allsvenskan, après deux montées consécutives, et pour la première fois depuis 1975, Sundsvall connaît une saison compliquée. Grönhagen décèle rapidement le grand potentiel de son jeune talent. Titularisé à seulement 17 ans, Brolin est déjà techniquement au-dessus de la moyenne. Après avoir évité la relégation de justesse en 1987 (10ème à égalité de point avec le premier condamné), le GIF Sundsvall termine aux portes de l’Europe (encore avec le même nombre de point que son prédécesseur au classement) la saison suivante.
« Il n’était pas le plus prometteur mais personne n’était aussi obstiné et ambitieux que Tomas. Il arrivait en premier et partait en dernier. Nous pouvions revenir à la maison après des matchs presque au milieu de la nuit mais il était toujours le premier à passer le lendemain matin. » – Anders Grönhagen, son entraîneur à Sundsvall
Tomas en profite pour améliorer son temps de jeu et ses stats individuelles (21 matchs, 6 buts) malgré quelques pépins physiques gênant son développement. Malheureusement, Sundsvall ne réédite pas cette belle performance en 1989 et connait une relégation en deuxième division. En dépit de cette descente, Brolin reste en Allsvenskan. Recruté par le champion en titre : l’IFK Norrköping, Tomas rejoint l’un des grands clubs du pays. Le VitaBlå a connu son âge d’or dans les années 40 sous la direction du coach hongrois Lajos Czeizler et avec le célèbre duo Gunnar Nordahl et Nils Liedholm.
Sous ses nouvelles couleurs, Brolin flambe. En l’espace de neuf matchs, il signe sept buts dont un triplé dans le choc pour le haut du tableau contre l’IFK Göteborg. Devant son public, à l’Idrottsparken, Norrköping inflige un sévère 6-0 à son adversaire. Lors de cette partie, il célèbre l’une de ses réalisations en effectuant un saut en l’air en tournant sur lui-même avec son bras tendu vers le ciel. Cela devient sa célébration fétiche. L’intérêt prononcé de Parme l’envoie en Italie avant même la fin de la saison suédoise. A seulement 20 ans, il rejoint le Calcio.
L’apogée en Serie A
En 1990, Parme est ambitieux. Le club vient de retrouver l’élite sous la direction de son nouvel entraîneur : un certain Nevio Scala. Et son nouveau propriétaire Calisto Tanzi, le président de la Parmalat (entreprise italienne spécialisée dans le domaine des produits laitiers), injecte beaucoup d’argent pour attirer des internationaux de renom (Georges Grün, Cláudio Taffarel) en Émilie-Romagne. Peu impressionné par son nouvel environnement, le scandinave forme un duo prolifique avec son coéquipier transalpin Alessandro Melli (20 buts à eux deux). Sa technique, sa vivacité, son sens du dribble, ses changements de rythme et sa créativité font merveille en Italie.
A la surprise générale, l’équipe promue se classe à la cinquième place et arrache pour la première fois de son histoire une qualification européenne (Coupe de l’UEFA). Lors de la saison suivante, Brolin et ses coéquipiers réalisent un bon parcours en championnat (7ème) et brillent en remportant la Coppa Italia pour la première fois contre la Juventus de Roberto Baggio et du Trap’ (1-0 / 0-2). Les arrivées de l’argentin Sergio Berti et du colombien Faustino Asprilla amènent une concurrence supplémentaire. Ils sont désormais cinq pour trois places d’étrangers dans le XI titulaire.
Avec cette nouvelle concurrence, son temps de jeu se réduit quelque peu lors de la saison 1992/93. Néanmoins, Parme réussit à améliorer son classement en Serie A avec une magnifique place sur le podium (3ème) et un succès inattendu à Wembley en Coupe des Vainqueurs de Coupes contre les belges de Antwerp (3-1). Le dynamique suédois tire quand même son épingle du jeu lors de l’exercice suivant grâce à sa très grande polyvalence. Il est capable de joueur à différent poste sans connaître de baisse de qualité. D’ailleurs, avec l’arrivée de Zola, Brolin descend d’un cran au milieu du terrain dans le redoutable 5-3-2 composé par Nevio Scala.
Fiasco à Leeds
Le tournant de sa carrière intervient en novembre 1994 à Råsunda lors d’un match qualificatif pour l’Euro 96 avec la sélection nationale suédoise. A l’issue de cette rencontre, il doit s’interrompre six mois pour soigner une fracture sur l’articulation du cou-de-pied. Brolin revient sur les terrains mais ne récupère pas totalement l’intégrité de ses moyens physiques. Un grand problème pour un joueur au style si énergique. D’ailleurs, Brolin comprend qu’il ne figure plus dans les plans de Nevio Scala et demande immédiatement son transfert. Il l’obtient en novembre 1995. Tomas s’engage avec Leeds United pour un montant de £4,5M. Howard Wilkinson, le coach des Peacocks, voit le suédois comme le parfait pendant au buteur maison, le ghanéen Anthony Yeboah.
« Je suis allé à Leeds et j’ai demandé au manager Howard Wilkinson : « Alors, où voulez-vous que je joue ? » Il a répondu : « Je te vois comme un milieu de terrain, un joueur qui s’occupe de notre jeu. » J’aimais vraiment cette position et je me suis dit : « OK, si vous voulez me faire jouer comme ça, je viens. » Mais je n’ai jamais joué dans cette position. Jamais. Quand je suis arrivé, Tony Yeboah était blessé, alors bien sûr, j’ai dû jouer en attaque jusqu’à ce qu’il se remette, mais après ça, je n’ai jamais pu jouer le rôle qu’on m’avait promis. » – Tomas Brolin
Cependant, l’idylle dans le Yorkshire est de très courte durée. Après une lourde défaite (5-0) contre Liverpool, Wilko accuse son nouveau joueur de ne pas avoir assez défendu. Et malgré neuf joueurs indisponibles, il décide de se passer également du suédois pendant trois parties. Une mauvaise plaisanterie lors du 1er avril 1996 scelle son sort (Il déclare à la TV suédoise son retour en prêt à Norrköping, information prise au premier degré par les médias). Mis sur le marché des transferts, il se refuse de rejoindre son club pour le stage de pré-saison. D’abord sanctionné d’une amende, son salaire est bloqué en attendant de lui trouver une porte de sortie. Finalement, il part en prêt vers la formation suisse du FC Zurich pour £800 par semaine. Son escapade helvète est de très courte durée. Seulement quelques mois.
Le nouveau manager de Leeds, George Graham, le rapatrie en Angleterre en le menaçant d’une action judiciaire si Tomas ne revient pas au club. Peu décidé à rejouer pour Leeds, Brolin paie lui-même son indemnité de prêt (500 000 £) pour retourner à Parme lors du mercato hivernal. A l’issue de sa pige italienne, il retourne en Angleterre. Cependant, il tente de quitter le club pour rejoindre Saragosse. Tentative avortée et sanctionnée d’une nouvelle amende. Finalement, en octobre 1997, un accord amiable est trouvé pour une résiliation de son contrat contre £140 000. Dans un sondage réalisé par la BBC en 2003, Brolin est élu le pire joueur du club par les fans de Leeds.
Fin de course
Brolin retourne en Suède pour retrouver la forme. Il s’entraîne donc avec Hammarby, club basé à Stockholm. A l’occasion d’un match amical disputé en Suède, Crystal Palace lui offre un essai de deux semaines. Face à l’hécatombe de blessés dans son effectif, Steve Coppell (manager des Eagles) abrège l’essai, engage le suédois pour six mois et l’installe à la pointe de l’attaque. En surpoids évident, le passage de Brolin à Londres n’est très bon. Clin d’œil du destin, il en profite pour recroiser son ancien club de Leeds. En dépit d’une réelle volonté de se montrer sous son meilleur jour, une collision rapide à la tête avec Bruno Ribeiro l’oblige à sortir pour se faire soigner pendant de longues minutes. Lors son absence du terrain, Leeds en profite pour ouvrir la marque. A son retour, Brolin tente d’égaliser. En vain.
Au cours de la saison, Crystal Palace est racheté par Mark Goldberg. Suite à un cuisant revers contre Chelsea (6-2), le nouveau propriétaire décide de démettre Steve Coppell de ses fonctions. Attilio Lombardo lui succède sur le banc jusqu’à la fin de la saison. Désormais, l’ancien joueur de la Samp occupe les fonctions d’entraîneur-joueur. Pressenti pour devenir l’adjoint du transalpin, Brolin n’intervient finalement que dans un rôle de traduction grâce à sa parfaite maitrise de la langue de Shakespeare et de Dante. En avril 1998, Tomas dispute son dernier match de Premier League contre Manchester United. Incapable de retrouver sa pleine forme physique et sa capacité à scorer (0 but en 13 matchs), son contrat n’est pas renouvelé suite à la relégation des Eagles en Championship. Dans la foulée, il annonce son intention de rentrer en Suède pour réfléchir à ses options.
« Tout le monde dit que 28 ans, c’est jeune pour prendre sa retraite. Mais cela dépend de ce que vous avez fait dans votre carrière. Et j’avais fait pas mal de choses. » – Tomas Brolin
Peu de temps après (en août 1998), il annonce l’arrêt de sa carrière. A seulement 28 ans. La faute à de multiples blessures, à la perte d’envie de s’entrainer et de jouer au football. Il chausse une dernière fois les crampons à l’occasion d’une rencontre entre Hudiksvalls A.B.K. et Kiruna FF. Lors de ce match, Brolin n’évolue au milieu ou en attaque comme il en a l’habitude depuis le début de sa carrière. Non. Il entre sur le terrain pour le dernier quart d’heure et enfile les gants de gardien de but. Un dernier dribble de la part d’un grand artiste du ballon rond.
Avec les Blågult
Avant de constituer un superbe trio offensif, l’un des meilleurs pour la sélection suédoise, avec ses compères de l’attaque Kennet Andersson et Marin Dahlin, Tomas Brolin débute sa carrière internationale chez les U18 dès 1986. Sa progression est ultra rapide. Là encore. Après une poignée de matchs, il change de catégorie et bascule avec les U21. Ses performances avec ses clubs de Sundsvall puis de Nörrkoping (notamment son triplé inaugural contre Göteborg) alertent le sélectionneur national Olle Nordin. Qualifiée pour la première fois en Coupe du Monde depuis 1978, la Suède est en quête de talent offensif. Lors de la phase qualificative, elle n’a marqué que neuf buts en six matchs. Tomas Brolin saisit alors sa chance. Intégré à l’équipe A, il inscrit deux doublés consécutifs contre le Pays de Galles (4-2) et la Finlande (6-0) et gagne son ticket pour l’Italie.
Malheureusement pour la Suède, son Mondial est de courte durée. Elle est éliminée dès le premier tour. Brolin en profite néanmoins pour inscrire son premier but en Coupe du Monde contre le Brésil de Mozer et Ricardo Gomes. Fin 1990, il remporte son premier Guldbollen. Malgré son passage avec les A, Tomas continue d’évoluer avec les U21 jusqu’en 1992. Cette année là, il dispute à domicile l’Euro. Puis les Jeux Olympiques. Dans le groupe de l’Angleterre, du Danemark (futur vainqueur) et de la France, la Suède termine en tête. Et le virevoltant attaquant se distingue avec deux réalisations dont un bel enchainement avec Dahlin contre la Three Lions. Malgré un nouveau goal, il ne peut empêcher l’Allemagne d’atteindre la finale du tournoi. Brolin termine top-scorer de la compétition avec Dennis Bergkamp, Henrik Larsen et Karl-Heinz Riedle (3 buts chacun). Quelques semaines plus tard, il rejoint donc Barcelone. La sélection suédoise s’extirpe facilement de son groupe jusqu’en quarts de finale mais elle chute contre l’Australie (1-2) et Brolin se blesse, l’obligeant à se reposer de longues semaines.
« Romario a marqué des buts, mais Brolin a été le meilleur footballeur. Brolin pouvait aussi marquer, mais il était le moteur et le cerveau de l’équipe suédoise en 1994. Si vous demandez à quelqu’un en Suède, il vous dira que Brolin est le meilleur joueur suédois de tous les temps. C’était le meilleur joueur du monde à l’époque, point final. » – Rikard Aberg, journaliste suédois
Le meilleur moment de sa carrière internationale est sans conteste leur parcours à la World Cup 94 aux États Unis d’Amérique. Qualifiée avec la Bulgarie (aux dépens de la France), la Suède n’est pas considérée comme un favori. Ni même un outsider. Pourtant, les Vikings vont être l’équipe surprise de ce tournoi. Aligné en soutien du géant Kennet Andersson et du véloce Martin Dahlin, il mène le jeu offensif suédois. En quart de finale contre la Roumanie, il inscrit l’un de ses buts les plus célèbres sur une combinaison astucieuse. Placé dans le mur roumain, il est servi en profondeur par Håkan Mild et fusille de près Prunea. Les nordiques parviennent jusqu’en demi-finale contre le Brésil (déjà rencontré dans la poule B). Un but de Romário à la 80′ brise les espoirs de finale pour Brolin et ses coéquipiers. Mais la Suède inflige une correction (4-0) aux Bulgares de Stoichkov pour arracher la troisième place. Distingué par une place dans l’équipe-type de la compétition, Tomas remporte son second Guldbollen.
Puis à l’occasion d’un match qualificatif pour l’Euro 96, il se blesse grièvement au pied en délivrant une assist à Dahlin. Suite à cette fracture, Brolin ne parvient pas à retrouver son aisance technique et sa forme physique. Peu après son retour sur les pelouses, il marque un but important sur penalty mais la Suède ne parvient pas à remporter le match (1-1 contre l’Islande). Finalement, la Suède n’arrive pas à se qualifier pour cette compétition. En août 1995, il dispute sa dernière rencontre internationale contre les USA (1-0). Au total, Brolin compte 47 capes pour 26 buts.
Le Poker comme reconversion
Après sa retraite sportive, Tomas Brolin se lance dans les affaires. Multiples et variées. Pas toujours couronnées de succès. Parmi son business, nous pouvons citer la restauration avec l’ouverture en 2000 de Undici (en référence à son numéro fétiche) à Stockohlm mélangeant la cuisine italienne et du Nord. L’établissement ferme définitivement en 2008 après avoir permis à des mineurs de consommer de l’alcool à plusieurs reprises.
Mais également, l’immobilier ou les cosmétiques. Ou encore en créant une entreprise vendant un nouveau type d’embout pour aspirateurs. Il fait aussi une apparition dans une vidéo du chanteur Dr Alban avec d’autres sportifs suédois célèbres dont l’ex-tennisman Björn Borg. En 2006, Brolin se lance dans le poker professionnel. Il participe notamment aux World Serie of Poker en 2007 et aussi à la Grande Finale de l’European Poker Tour à Monte Carlo où il se classe 38ème sur un total de 842 joueurs.
« Je suis resté un temps impliqué dans le poker car j’étais la tête d’affiche d’une société de paris. Maintenant, je ne joue pas au poker très souvent, mais c’était très amusant. J’y ai joué pendant une dizaine d’années. » – Tomas Brolin
Moqué pour sa transformation physique (une prise de poids importante), Brolin demeure néanmoins l’un des meilleurs joueurs suédois de sa génération et de l’histoire du foot scandinave. Un joueur au parcours brillant mais à la carrière trop rapide pour être considéré à sa juste valeur.
Statistiques :
1984-1986 – Näsvikens IK : 36 matchs, 10 buts
1986-1989 – GIF Sundsvall : 55 matchs, 13 buts
1989-1990 – IFK Norrköping : 9 matchs, 7 buts
1990-1995 – Parma AC : 133 matchs, 20 buts
1995-1997 – Leeds United FC : 20 matchs, 4 buts
1996 – FC Zürich : 3 matchs
1997 – Parma AC : 11 matchs
1998 – Crystal Palace FC : 13 matchs
1998 – Hudiksvalls ABK : 1 match
1990-1995 – Sélection suédoise : 47 sélections, 26 buts
Palmarès :
1 Coppa Italia : 1992
1 Coupe des Vainqueurs de Coupe : 1993
1 Super Coupe de l’UEFA : 1993
1 Coupe de l’UEFA : 1995
2 Guldbollen : 1990, 1994
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